J’ai récemment décidé de proposer des textes sur l’hypersensibilité et comment devenir juste l’entrepreneur sensible et confiant que l’on aspire à être. Je me suis alors demandée quelle était la pierre angulaire de cette marche vers soi. Et il m’a semblé que c’était l’écoute de notre ressenti, ou plutôt la découverte que notre ressenti est vrai.

C’est donc l’objet de cet article, raconter mon expérience personnelle sur comment j’ai découvert que mon ressenti, et tout mon ressenti, était vrai. Attention, article très personnel !

 

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Le début des insomnies : j’ai trop fait la fête…

En 2001, j’ai 28 ans et je suis bénévole sur un festival de théâtre (Monbouan pour ne pas le nommer). Je campe sur place. Je fais la fête la nuit. Je dors au petit matin, je suis réveillée deux heures plus tard. Fatiguée, je bois beaucoup pour tenir la journée. Je refais la fête le soir, d’autant plus que la fatigue me désinhibe totalement, je n’ai plus de filtres, la vie est belle. Physiquement, c’est l’horreur : je saigne du nez, j’ai des moments de mal-être physiques profonds, bref je n’écoute pas mon corps. Le festival se termine, je rentre chez moi, prête enfin à faire un bon dodo. Mais je ne dors pas. Je n’ai pas dormi (ou peu) pendant 18 ans.

 

Le burn out

Courant 2017, mes insomnies commencent à être tellement handicapantes (elle l’étaient déjà mais je résistais) que je commence à ne plus pouvoir travailler. J’ai du mal à faire certains RDV, surtout quand ils relèvent du coaching, je n’arrive pas à préparer mes formations, je suis tremblante sur les ateliers. En mai 2018, j’en arrive à un tel état d’épuisement que, avec la bénédiction de Marie Bran, ma coach à l’époque, j’abandonne tout projet de développement, j’arrête mon activité, sauf les RDV qui s’offrent à moi, et encore, quand ils sont peu sollicitants (donc techniques essentiellement). Je ne fais plus rien et j’arrête les médicaments pour dormir également.

Pendant 2 semaines, je ne dors pas. Ou très peu.Je vais en même temps voir un acupuncteur (Pierre Bulteau) et un énergéticien (Vivien Mazet) qui me permettent (merci à eux …) d’avoir des « moments » de sommeil. Le sevrage commence à passer, mon sommeil est toujours aussi pourri mais j’arrive à faire quelques heures par nuit. Je suis dans un sale état mais comme je n’ai aucune obligation professionnelle, ça me va. Je pratique intensément mon mantra bouddhique qui a l’art de me détendre puis de me ré-energiser, donc qui me permet d’affronter chaque jour qui passe. Bizarrement, le seul fait d’avoir la bénédiction de Marie me fait plonger dans ce que j’aurais dû accepter depuis longtemps, accepter l’inaction, et savoir que tout se fait en ne faisant rien.

 

L’ayahuasca et le message

Néanmoins, mes insomnies continuent. Je pars en Espagne en août 2018 pendant 10 jours pour suivre une diète chamanique. Je suis prête à tout pour m’en sortir. Ça n’a pas toujours été le cas. Je n’étais prête à actionner que ce en quoi je croyais. Le désespoir a du bon. Je prends l’ayahuasca 3 fois sur les 10 jours. La première ne me fait pas grand chose. La suivante après 4 jours de jeûne me fait décoller. J’ai des visions très spéciales et 3 messages. L’un me marque sans que je mesure encore pleinement ses implications. L’ayahuasca me dit : « Tous tes ressentis sont vrais et ont toujours été vrais.  La seule question, c’est ton interprétation ».

 

Mes ressentis : des manifestations névrotiques a priori

De retour chez moi, je réalise progressivement que ma vie est bouffée, émotionnellement, par la perception de choses qui semblent être fausses. Des perceptions qui me font penser que je suis complètement névrosée, et que je projette sur les autres un paquet d’angoisses, des émotions et des malaises qui handicapent mon rapport à autres, ma vie sociale, ma vie personnelle (et bizarrement pas trop ma vie professionnelle….). Je passe ma vie à me lamenter sur cette névrose à projections multiples qui me fait ressentir des choses qui ne sont pas. Ma vie est frustrante, stressée, pénible et peu prometteuse vu les casseroles que je me traîne. Je sens de la froideur là où personne n’en voit, je sens de la tension là que les autres ne sentent pas, je me sens non inclue là où apparemment, pourtant, je le suis, je me sens mal à l’aise avec certaines (beaucoup de) personnes sans aucune justification. Je passe une partie de ma vie sujette à des attaques de panique, « heureusement » calmées par des antidépresseurs. Si tous ces ressentis sont en fait vrais, ça va être de la folie. Une apocalypse.

 

La phobie du village

J’avais depuis quelques temps développé une petite phobie avec les gens de mon village. Le côté bobo, de gauche, l’indignation facile me faisait peur. Je n’étais pas comme eux, je sentais quelque chose non intégratif envers moi qui me rendait triste et mal à l’aise. Et évidemment, j’étais persuadée que tout était dans ma tête et que j’étais encore une fois, dans ma névrose projective. Le premier effet kiss cool de mon insight, ça a été que la peur des autres, dans le village, a fondu. Si mes ressentis étaient vrais, c’est donc que tout était ok. J’étais non plus la fille qui était rejetée ou pas intégrée mais la fille qui ne connecte pas avec les gens du village parce quelque chose la dérange. Le quoi n’était pas clair encore, mais j’accordais crédit à ce que je ressentais. Je n’avais plus d’anxiété, ou en tout cas beaucoup moins. Je me suis sentie libre d’organiser le lien social comme il me convenait, en prenant acte de mes besoins mais aussi de mes limites. J’ai proposé à un ami de vendre son fromage au marché du village, ce qui était un pas extraordinaire vu d’où je partais. Je ne me sentais plus obligée de rentrer dans des discussions qui en fait, ne intéressaient pas (je croyais que c’était ma névrose qui m’empêchait de rentrer dedans), j’étais en contact mais sans subir ce dont je ne voulais pas. C’était chouette.

J’ai découvert à ce moment là que si mon ressenti était vrai, tout était observable, il n’y a avait plus rien à cacher. Au lieu de subir les autres en m’observant moi-même, ce crédit au ressenti m’a mise en observation sur les autres. Et ce que j’ai vu était dingue. J’ai vu beaucoup de mal-être, de fake, de tentatives d’être autre que soi, de répression des émotions, de tristesse aussi. C’était libérateur. Et ça l’est resté.

 

La fin des amis

J’ai commencé à ne plus avoir envie de voir certains amis. Je découvrais que ce que j’avais pris pour un malaise relevant de MOI était la réalité de ce qui se passait vraiment dans la relation. En rejetant mes ressentis, j’avais refusé de laisser monter cette vérité à ma conscience : ils pouvaient me traiter avec condescendance, ou me dévaloriser subtilement, ou ne pas vraiment m’écouter. Or moi je passais beaucoup de temps à les écouter. Mais je n’arrivais pas à parler de moi, ou alors avec un profond sentiment de malaise. Evidemment, au lieu de regarder la réalité (je n’étais simplement pas « écoutée »), je jugeais le symptôme (« mais pourquoi je n’arrive pas à raconter mes histoires personnelles moi aussi ? ») et j’en revenais à cette conclusion sans appel que c’était mes névroses les coupables.

 

Le monde s’écroule ?

Si j’avais eu cette information quelques temps avant, que je n’étais simplement pas écoutée, et que mon ressenti était donc vrai, je ne suis pas sûre que j’aurais accepté cette vérité. Car mon monde se serait écroulé et j’avais (encore) besoin du lien social que je m’étais construit, malgré le fait que ce soit pure illusion. Pour laisser émerger la vérité, on a besoin d’une sécurité, d’une confiance. Elle vient comme elle vient, au moment où elle le décide, par une sorte de maturation intérieure, sur laquelle on n’a pas vraiment de prise. Rapide ou lente peu importe. Ne vient à notre conscience que la vérité qu’on est capable d’affronter. Car honnêtement, c’est comme les réformes, celles qui étaient faciles ont déjà été faites.

 

Le gap ou forcer sa personne

Je dois préciser qu’en accordant crédit à mes ressentis, cela signifiait donc qu’il y avait un profond écart entre ce que les gens affichaient « officiellement » et ce qui se passait vraiment en eux et que je percevais. Ce n’était pas forcément à mon détriment. Ça pouvait l’être si j’indisposais les gens, ce qui peut arriver comme chez tout le monde. Mais ça indiquait surtout que le ressenti en eux était nié et qu’il y avait donc une forme de faux-semblant, pratiquement inconscient, qui forçait leur personne. L’état affiché ne m’apparaissait pas comme l’état au fond. En tout cas ils n’étaient pas dans leur spontanéité comme des enfants pourraient l’être.

Pour ne pas prendre ce que je voyais de façon personnelle, les accords toltèques m’ont été d’une grande aide. Car une fois qu’on accorde crédit à son ressenti : oui cette personne n’est en fait pas à l’aise avec moi, pas naturelle, ou en rapport de force avec moi, en gestion de son image, ou sur la défensive, difficile de ne pas se dire : « C’est parce qu’elle est avec moi, c’est obligé … ». Les accords toltèques m’ont appris à ne plus le prendre personnellement. Et à vrai dire, ça peut parfois être personnel, et pourquoi pas ? On sert alors de simple révélateur. Et certaines personnes ont ce talent, elles servent de révélateur au non alignement. Elles cristallisent. Surtout quand elles sont encore dans le frottement avec le monde, car le non-alignement qu’elles seules voient mais que personne ne reconnaît est le truc qui les rend folles.

Ces personnes sont des hypersensibles, en version HP, que j’appellerai « dure ». En version douce, l’hypersensible est plutôt effacé et diplomate. Il ne cristallise pas (pas encore). Ce sera un point sur lequel je reviendrai concernant la relation à l’autre. Globalement, dur ou doux, on finit tous sur le même chemin.

 

Le ressenti mène à la puissance

Sans l’avoir décidé, ce « crédit » à mon ressenti s’est aussi installé professionnellement. Je dis « sans l’avoir décidé » car dans mon activité professionnelle, je croyais déjà accorder crédit à mon ressenti. Par exemple j’avais déjà le sentiment d’avoir toujours raison (probablement souvent, mais là je ne peux pas écrire souvent, c’était toujours). Avec une bonne dose de frustration quand je n’étais pas entendue et que la vie démontrait (toujours, mais oserai-je l’écrire ?) que finalement j’avais eu raison. C’était le cas pour des personnes avec qui j’avais eu de grosses difficultés (jusqu’à me faire virer, petite pensée pour Bretagne Active ou le Cerfrance) et qu’on reconnaissait quelques années après être le manipulateur pas clair que j’avais vu malgré son allure brillante et son comportement si génial. Bon j’avais cette frustration de ne pas être entendue, mais je croyais en ce que je pensais. C’était aussi le cas sur des questions techniques, stratégiques.

Mais en réalité, je bloquais là aussi mon ressenti. Car au delà des perceptions stratégiques ou personnelles que je pouvais avoir, j’avais des ressentis sur l’intérieur des personnes que je n’écoutais clairement pas. Je pensais en réalité qu’il s’agissait de mon imagination, d’hypothèses qui passaient en quelques dixièmes de secondes dans ma tête et dont je n’avais rien à faire. Il n’y avait pas de jugement sur ces pensées. Mais comme elles étaient impossibles à démontrer ou à justifier techniquement, elles en restaient à cet état non exprimé. Quand j’ai commencé à accorder crédit à ses ressentis, donc à cette puissance, l’impact a été ouf. On me demandait si j’étais médium. Et franchement, d’où viennent nos ressentis, c’est une vrai question… de nous, de notre âme, de l’univers, de mon client ? Peut être que ça n’a pas d’importance.

Dans cette première phase, j’ai eu alors une impression de toute puissance, qui balançait entre d’énormes doutes et Jim Carrey dans Bruce tout Puissant. C’était excitant et flippant.

 

 

Ensuite, une forme de normalité s’est installée… Tellement normal que parfois je me demande si c’est encore là ! Et pourtant, quand je vois mon impact dans mes séances d’accompagnement, la réponse est oui. Mais c’est devenu naturel. Comme se brosser les dents, on le fait sans s’en rendre compte. C’est là où notre envie d’impact prend toute sa dimension. Avoir un don est une chose, mais l’utiliser pour là où on veut impacter est une autre. Et savoir où est l’envie ….

 

Pourquoi ce témoignage personnel ?

Je pense que le principal obstacle à l’épanouissement de l’hypersensible, ou plutôt que la raison de l’enfer de l’hypersensible, c’est le doute qu’il a sur ses ressentis. Ceux-ci lui disent blanc, le monde lui dit noir. Il n’ose tellement pas imaginer que ce soit blanc qu’il prend le noir pour vrai et passe son temps à se demander c’est quoi son problème. Il se voit comme un freak. On peut le comprendre : si c’est blanc, pourquoi tout le monde dit noir ? Tant qu’on n’a pas compris pourquoi tout le monde dit noir, la boucle n’est pas bouclé. Mais on peut expérimenter par les deux bouts : accorder crédit à ses ressentis pour jouer, puis au vu de la force de l’expérimentation, en déduire que le ressenti est vrai. Ou comprendre pourquoi tout le monde dit noir, et laisser les ressentis ensuite monter en soi puisqu’on a compris pourquoi on les niait à tort. Les deux fonctionnent. Mais nous passerons de toute façon par les deux. L’expérimentation et la compréhension du pourquoi. Et je trouve cependant que la compréhension du pourquoi est une quête passionnante 🙂

 

Exercice : Passez une semaine à accorder crédit à vos ressentis, tous vos ressentis, juste pour le fun. Pour jouer.

Et voyez….

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