Je partage ici un texte écrit pour le groupe compagnonnage. Il s’adresse aux participants et il est peut-être moins fluide et un peu plus expéditif que les articles habituels, mais vous saurez, j’en suis sûre, être magnanimes.
Le crédit au ressenti est un grand bouleversement car il désaxe totalement notre mode de fonctionnement depuis que nous sommes adultes, voir adolescents. En particulier si nous sommes hypersensibles : nous retirons le crédit à l’extérieur, nous ne croyons plus qu’à l’intérieur. Quoi qu’il dise. Ca change la vie, mais ça ne se fait pas aussi facilement. Il ne suffit pas de le décréter. Car nous pouvons accepter toute une gamme de ressentis qui nous paraissent légitimes, et refuser toute une autre gamme dans un autre domaine, sans même nous en rendre compte.
Il y a trois types de ressentis
Les ressentis émotionnels négatifs : peur, tristesse, colère, honte. Ceux-là n’appellent pas forcément d’actions, mais ils se doivent d’être entendus, et si possible accueillis pour comprendre de quoi ils parlent. Ils parlent de limites, de choses qui ne sont pas ok pour nous, de situations qui ne nous conviennent pas. Et souvent, ils font écho à des émotions plus anciennes, qui demandent à être libérées.
Nous avons aussi les ressentis émotionnels positifs, alimentés par l’énergie vitale, on pourrait dire cosmique !!… et qui peuvent aussi être refoulés : le désir (c’est mal, c’est inadapté), la joie (« calme ta joie »), l’amour (très associé à la honte), l’envie (tu ne devrais pas avoir envie).
Les ressentis de perceptions : les perceptions énergétiques (de l’autre, de son intention, de son mental, de ses contradictions, d’un faux-semblant, d’un malaise, de ses blocages, de son énergie) ; les perceptions énergétiques environnementales (lieu, etc.). Les intuitions (évidence, guidance que l’on a sans savoir d’où elle vient). Etc.
Si vous en voyez d’autres, dites moi en commentaires.
Doit-on faire confiance à ses émotions ?
Faire confiance à une émotion ne veut rien dire. En tout cas en termes de réaction. D’action. L’émotion est une énergie à accueillir. Pour ne pas la laisser nous piloter en arrière-plan. Une émotion parle de comment une situation actuelle résonne avec nos blessures et nos limites. La question n’est donc pas l’action derrière mais l’accueil de cette émotion. Ensuite, après l’accueil, l’esprit s’éclaire et on peut décider de blanc, noir ou gris. Peu importe.
La peur
La peur est une émotion que l’on contourne énormément en mettant en place des stratégies de compensation à tendances sécuritaires : ne pas faire, ne pas y aller, avoir de l’argent, un CDI, un conjoint à tout prix, ne pas prendre de risque, toute chose qui rassure. Il est difficile de traiter la peur passé un certain âge, après 25 ans, car le contrôle du ressenti a un effet lapidaire sur notre vie : nous commençons à avoir peur de tout et de rien. C’est bien normal puisque nous remettons progressivement notre pouvoir (notre ressenti) à l’extérieur (qui a l’air de mieux savoir), nous devenons donc dépendant et vulnérable à tout. Tout devient une menace potentiel puisque nous ne pouvons nous appuyer sur la puissance de notre ressenti pour capter ce qui se passe à l’extérieur. Faut-il faire confiance à la peur ? La question ne se pose pas ainsi. La question est plutôt : que nous raconte t-elle du pouvoir abandonné ? Que nous raconte t-elle de notre interprétation des expériences passées, du sens que nous avons posé sur notre vie ?
La peur se regarde en face. La stratégie de compensation est sans fin et extinctive. Il n’y a pas d’issue dans cette stratégie. La regarder en face, c’est découvrir nos traumatismes, nos croyances, nos injonctions, les endroits où en fait, ça pousse pas pour nous. Les découvrir est suffisant. L’énergie suit. Il n’y a pas une action particulière face à la peur. Mais une chose est sûre, elle provoque de la conscience de soi quand elle est regardée et explorée.
La tristesse
La tristesse est une émotion à laquelle on résiste car une part en nous, en arrière plan, estime qu’on ne devrait pas être triste. Que ce n’était pas si grave. Que c’est ok. Que le fait que nous soyons affecté parle plus de notre fragilité que de notre exigence intérieure. Que notre tristesse parle de faiblesse, de vulnérabilité, d’inadaptation. Beaucoup d’inadaptation. Et qui dit inadapté, dit isolé, non intégré. C’est pas petit.
La tristesse est l’émotion qui vient par l’accueil, la présence. C’est comme une fontaine qui jaillit en nous, qui fait peur quand elle vient, et qui produit des miracles de libération intérieure. Elle a besoin de beaucoup de compassion, d’écoute, de respect. Elle est magique.
La tristesse parle de notre enfant intérieur. Et nous seuls sommes aptes à soigner rétroactivement l’enfant que nous avons été et qui n’a pas eu ce dont il avait besoin : attention, crédit, respect, écoute, amour, etc.
La colère
La colère est une émotion que nous sommes prêts à fuir, moi la première, car nous croyons être une mauvaise personne quand elle s’agite au fond de nous, en tout cas quand on est hypersensible. Nous pensons que c’est mal. Que nous sommes injustes. pas assez sages. De mauvaise foi. Et la vérité, c’est que tout ça peut être vrai. Mais la colère n’est qu’une manifestation énergétique de limite non posées, non conscientisées avant et qui apparaissent soudain. Quand ça sort, c’est con. Quand c’est ressenti, simplement, c’est parfait. Car derrière la colère, ça ne parle pas des autres, mais de notre non-respect de nous-même en laissant s’accumuler ce qui ne nous convenait pas. Si tant est qu’on ait un quelconque moyen de s’échapper. Ce qui n’est pas le cas quand on est enfant. Puis la colère passe et l’esprit s’éclaircit derrière.
NB : ça vaut pour les hypersensibles qui s’autoflagelle avant de reprendre leur pouvoir avec la colère. Pour les autres, c’est le contraire : on exulte la tristesse non accueillie par la colère et l’indignation contre l’extérieur. On libère rien du coup.
Chopper la résistance en flag
En clair, les émotions nous parlent de choses différentes. La peur parle de contrôle sur le ressenti, de croyances et d’injonctions. La tristesse parle de besoins non nourris, d’amour, d’attention, de crédit non donnés. La colère parle de limites non posées, de respect de soi, de ce qui n’est pas ok pour nous. Et tout peut se recouper.
Y a t-il une action à poser derrière ? Ressentez déjà l’émotion, donnez lui crédit, et vous verrez ensuite.
L’enjeu chaque jour : chopper la résistance à l’émotion en flagrant délit, en s’arrêtant 2 secondes dès que la tension de la résistance apparaît (angoisse, anxiété, contraction, tension, mal-être corporel, etc.). Chopper alors la croyance ou l’injonction qui retient l’émotion, qui lui dit non.
Comment initier ? Je vous la refais pas : énergétique, présence, pratique méditative. Nécessaires pour entraîner corps et esprit avant de faire le taf tout seul 🙂
Doit-on faire confiance à l’énergie vitale ?
Oui, mais on est libre de ne rien en faire. Si on le veut.
Le désir n’est jamais mal. Mais il n’appelle pas forcément de réaction. La question n’est pas le désir mais ce qu’on en fait. On peut ressentir du désir et décider de ne rien en faire. Ne pas céder à l’achat compulsif et contempler avec plaisir les vitrines de Noël, accepter de ressentir un désir ou une attraction sexuelle pour quelqu’un sans forcément lui sauter dessus. Le désir est une énergie vitale. C’est très bon signe, mais ça peut aussi rester entre soi et soi. Ou pas 🙂 Autant vous dire que le désir est une énergie positive extrêmement jugée par notre civilisation et que l’on réprime intérieurement au gré de nos peurs et de nos croyances. A force d’être réprimée, elle peut devenir compulsive sur tout et n’importe quoi : bouffer, fumer, boire, baiser, etc. et devenir carrément pas belle quand le contrôle lâche (viol pour le désir par ex).
Sur ce point du désir, je décerne un prix au tantra car il rebat entièrement les cartes. Il autorise l’énergie vitale sexuelle, il aide à la faire circuler et à la transmuter en une énergie vitale, un peu ouf, un peu cosmique, de conscience peut être. En une énergie déconnectée de la possession.
L’amour est bizarrement encensé mais fait l’objet, quand on est enfant, d’une grande honte. On ne se déclare pas, on se sent en souffrance quand on est amoureux, on ne veut pas que ça se sache. Peur du rejet, d’être moqué, d’être vulnérable. Tôt, nous commençons déjà à essayer de retenir cette énergie car elle sera moquée, refusée, ou ignorée. Et puis on commence à ressentir moins d’amour… Le contrôle s’installe.
L’amour doit revenir. Et être autorisé. Mais il est aussi compulsif à ses heures perdues. Trop d’intensité retenue, et l’énergie explose dès qu’une cible possible se présente. Et c’est ok. Que faire d’autre à part autoriser cette circulation d’énergie intérieure et ne pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas. L’autre n’est que le support de notre intensité retenue. Le temps permet la décantation et l’apparition de l’essentiel. Mais nul besoin de retenir l’énergie tant qu’on sait de quoi elle parle. L’humain est fait pour vibrer son intensité. Si la vibration est empêchée, ça sortira chaotiquement ou autrement.
Comme tout le reste. Et c’est ok. C’est simplement une invitation à libérer l’énergie.
Doit-on faire confiance à ses perceptions ?
Oui !! Mais on est libre de ne pas les suivre. En conscience. Pour pleins de raisons : confort, sécurité, etc.
Faire confiance à ses perceptions n’est pas de tout repos : nos perceptions sont fortement contredites par nos préjugés, notre rationalité, et avant cela, par l’extérieur.
On peut avoir raison à 100 % éternellement et être refoulé, nié par l’extérieur éternellement. Faire confiance à ses ressentis demande donc un gros doigt d’honneur vers l’extérieur…
La résistance aux perceptions produit des effets variés :
Quand il s’agit d’intuition, ça ne produit pas forcément un effet boeuf, malaisant directement. Mais on sent une vérité et quand elle est contredite par l’extérieur, nous rencontrons le manque de reconnaissance, le manque de crédit. Cette sensation de posséder la vérité et de ne pas être entendu est torturante (lorsque l’on a des attentes). Mais ce n’est ici pas la perception qui fait souffrir mais sa non écoute, sa non reconnaissance. L’intuition n’est pas une énergie lourde mais subtile. Si on n’y prête pas attention, elle nous apparaît même pas.
Parfois la non écoute de l’intuition nous mène à des situations non ok pour nous. Faire confiance à un médicament, un médecin, ou au système médical malgré une intuition contraire est une des situations régulières où on peut… être vert.
Quand il s’agit de perceptions énergétiques (ou mediumiques), c’est plus corporel. L’impression peut être très forte corporellement, et pour le coup, la lutte pour le contrôle devient rapidement un vrai cauchemar. Elle provoque des attaques de panique. Des sensations de perdre pied. Ou de devenir fou. En tout cas le contrôle nous met en tension corporelle et mentale. Instantanément. Car c’est une énergie dense.
Le bénéfice des perceptions crédités, c’est beaucoup de puissance (connaissances, compréhension, impact), d’indépendance vis à vis de l’extérieur.
Le principal frein est d’accepter le non explicable, contredit, nié ou moqué par la notoriété, le pouvoir, l’expertise, la force en face. Et donc contredit par nous-même puisqu’une part en nous reproduit le non crédit, le jugement, la négation vécus.
L’enjeu sur les perceptions, c’est de ne pas ignorer que la vérité des perceptions remet en cause tout un système de rationalité sur laquelle nous avons tous bâti notre existence (et notre non-puissance). Redonner crédit à nos perceptions, intuitions, c’est une attitude révolutionnaire et, en apparence, complétement mégalomaniaque !
Donner crédit au ressenti, c’est observer la résistance.
J’en viens à la question pratique. Que faire pour redonner crédit à son ressenti ? Accepter l’idée que là où on voit son ressenti, c’est là où on ne résiste pas. La résistance n’est pas une décision intellectuelle maitrisée. Nous ne sommes conscients que des ressentis que nous autorisons. Donc il y a, probablement, en nous une masse de ressentis auxquels nous résistons. Sans le savoir. Nous ne pouvons pas décider de donner crédit aux ressentis, nous pouvons décider d’observer la résistance.
Nous le voyons quand nous sommes fatigués. La fatigue enlève du contrôle. Et on peut devenir super con, super allergique, super pleins de trucs, et si on fait de l’énergétique, super énergétique.
Dans la question du crédit au ressenti, la question n’est donc pas là où vous accordez crédit mais là où vous résistez. C’est le premier indicateur.
Il est intéressant de ressentir à chaque minute la possible résistance en soi. De savoir la détecter.
La résistance émotionnelle produit un inconfort corporel : fatigue, tension, angoisse, anxiété, panique.
La résistance à l’intuition provoque une possible vérité qui n’est pas démontrable et donc pas entendue : par soi, par les autres.
La résistance aux perceptions énergétiques rend corporellement mal. Faible. Angoissé.
La résistance aux émotions positives issues de l’énergie vitale produit une extinction. Ou un débordement bien au delà de l’objet ciblé : boulimie, addictions. En soi, ces manifestations sont bon signe, elles prouvent qu’il y a intérieurement une soif d’intensité qui n’a pas été assez nourrie. La personne est (encore) connectée à son énergie vitale. Elle subit le manque mais l’énergie est là. On peut en mourir oui, mais la preuve de son humanité est là.
Exercice d’observation
Prenez un carnet et notez dans votre journée les tensions, anxiétés, malaises corporelles qui vous prennent. Prenez 2 secondes à chaque fois. Arrêtez-vous. Ah tiens là, mon corps a pas l’air ok. Qu’est ce qui se passe nom de diou ?
Voyez le contexte. Observez non pas le ressenti car si résistance il y a, vous n’y avez probablement pas accès clairement. Observez déjà la résistance. Elle vous tiraille entre un discours mental, une vérité extérieure à votre âme, et la vérité de votre moi profond. Qui n’est, a priori, pas ok pour vous. Pas logique. pas rationnelle. Pas entendable. Pas comme vous croyez être. Pleins de bonnes raisons pour qu’il y ait tiraillement. Et c’est ok. C’est juste un jeu avec vous même. Faites-le une fois. Puis 2 fois. Prenez un temps le soir pour jouer avec vous. Regardez les gens, les situations, les injonctions, les raccourcis.
Voilà 🙂