Cet article est écrit en écho aux échanges sur le parcours Hypersensibilité et Quête se sens. Elle parle de la difficulté à aller en soi.
Les questions ci-dessous me sont venues suite à une rencontre : pourquoi avons-nous du mal à nous immobiliser ? Qu’est ce qui travaille en nous à ce moment ? De quoi avons-nous peur ? Pourquoi la fébrilité monte t-elle quand on s’assoit, pour certains ? Pourquoi tient-on tant à gérer notre image avant de se connecter à soi ?
Et même avant ça, avant d’être invité à s’immobiliser, pourquoi tourne t-on autour sans y aller ?
Car en nous interdisant ce voyage intérieur, nous nous empêchons de donner sens à notre vie, de libérer nos émotions et de matérialiser ce que nous voulons… C’est pas petit donc ! Et en attendant, nous restons occupés par notre simple mental, qui lui n’a aucun pouvoir, à part celui de nous enfumer, un peu, en nous racontant des trucs moyens sur nous et la vie. Bref, nous survivons.
La question simple ici, c’est : de quoi avons-nous peur dans cette connexion à soi ?
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Moi avant et l’effet de vide
Je vais essayer de me remettre dans ma peau d’avant, quand je fuyais encore l’immobilité et le silence, tout en actionnant des thérapeutes à tout va. Quand je survolais ce qui était censé m’aider… jusqu’à ce qu’un jour, on me prenne par le colbac et on me plonge le nez dedans, dans ma souffrance intérieure.
Je pense que je ne savais pas qu’il y avait cet univers là à l’intérieur. Pendant une grande partie de ma vie, à partir de l’adolescence, mon monde intérieur s’est limité à mon mental. Et à mes émotions que j’essayais de contrôler. Or s’immobiliser en soi, c’était forcément aller dans le vide puisque mon univers n’était occupé que par mon mental. Dans l’immobilité, le mental faiblit. Dans l’immobilité, il y a des brèches entre les pensées. Et le vide alors apparaît. Effrayant…
Mon mental était mon monde.
Franchement, c’était pas génial. Challengeant. Inquiétant. Doutant. Pleins d’hypothèses sans réponses, de questionnements, de peurs. Plein de prédictions sur l’avenir (pessimistes, apocalyptiques), plein de jugements sur moi. Plein de défiance vis à vis des autres (sans que j’en sois vraiment consciente).
Quand le mental se relâche, quand il arrête de tourner en boucle dans notre tête, il y a un vide derrière. Ou plutôt une sensation de vide. Et c’est ce qui nous pousse, pour certains, à ne pas y aller.
Derrière le vide, la probable misère
En vrai, la sensation de vide est extrêmement transitoire. Elle n’existe que par anticipation. Derrière le vide, il y a des émotions. Des ressentis. Des besoins de l’âme, du besoin de sens, du besoin de vivre, d’exister, de jouir, et des frustrations.
Derrière notre peur du vide, une part en nous sait bien qu’il y a toute cette “misère” à laquelle elle ne veut pas se confronter. Dont on a honte. Car en vrai, il est probable que ce soit le bazar là-dedans, un fatras de pleins de trucs accumulés : fragilités, souffrances, inadaptation, honte, frustrations, compromis, petites lâchetés, déceptions, discrédits…
Alors forcément, si je vais la dedans, put*** mais je ne vais jamais m’en sortir !!! Si j’ouvre, je vais être submergé par un océan de merdouilles… Ou plutôt l’océan va remonter à la surface, tel des chiottes qui débordent.
Je ne dis pas que l’on pense cela consciemment. C’est en arrière plan. Mais c’est ce qui nous rend effrayé par l’immobilité et le silence. Ce vide annonciateur d’une menace intérieure.
Mais la réalité, quelle est-elle ? Une fois que le vide est passé, ou plutôt après la peur du vide, qui y a t-il ?
La couche du moment, et pas une autre
La vie est bien faite. Elle nous permet de ne traiter qu’une couche après l’autre. Et uniquement celle que nous pouvons traiter.
Quand nous allons à l’intérieur parce qu’on l’a décidé, l’océan ne nous tombe pas dessus. Ne vient à nous et ne se libère que la part qui affleure. Elle peut être au début superficielle. Souvent intense. C’est la couche du moment. C’est tout.
On peut voir l’océan de loin, éventuellement, le pressentir. Mais rien ne nous est donné que nous ne puissions prendre.
Notre inconscient fait le taf. Il nous donne à contacter, à traiter, ce qui est là, la couche prioritaire. C’est tout. Tranquille.
Il n’y a pas d’effondrement dans cette plongée. L’effondrement vient du fait que l’on n’a pas choisi d’aller à l’intérieur. Nous y sommes alors emmené malgré nous par notre inconscient, et oui, à ce moment là, ça ne se fait pas dans la douceur.
L’effondrement impossible
Je pense à un ami très cher, à mon papa, à mon boss quand je travaillais à la CCI… Oui l’effondrement peut s’appeler la dépression. Cet effondrement terrorise ceux qui l’ont vécu. Ils veulent aller plus loin, ils veulent libérer, se sentir bien, mais cette dépression, Dieu, elle les a traumatisés… Et ils ne veulent pas y retourner. Et dans cette peur panique, ils hésitent à aller à l’intérieur d’eux. Car qui sait… s’ils ne pourraient pas à nouveau s’effondrer.
La dépression, l’effondrement n’est que la conséquence de la résistance.
Personne ne fait de dépression en méditant ou en ouvrant son cœur. Il n’y a pas d’effondrement derrière. Il y a une vague d’émotion, une énergie, une conscience après, mais il n’y a pas d’effondrement. L’effondrement, c’est quand l’inconscient dit stoppe à la résistance. Tu me censures ? C’est assez. Je lâche tout.
Que demande l’inconscient ? De sortir de l’ombre. D’être accueilli, éclairé, reconnu. Libéré.
Donnez lui un début de quelque chose, une première action en ce sens… mais il vous le rendra au centuple. Il n’y aura pas d’effondrement. L’effondrement vient de la résistance. Si nous ouvrons nos portes à l’inconscient, ce que nous rencontrerons, c’est juste beaucoup de soulagement…
Ce qu’il y a juste à faire
Il y a juste la chose à traiter là maintenant, une émotion qui monte, une angoisse qui a besoin d’immobilité.
Je pense à comme c’est beau toute cette conscience qui vient en chaque personne, par à coups, quand la lumière descend sur la personne en face de moi, quand sa parole devient centrée, quand ses yeux s’éclaircissent, que soudain « ça » fait sens, et parfois avec une colère qui monte en même temps, parce qu’on s’est fait un peu arnaqué quand même… C’est tellement beau de voir quelqu’un reprendre sa journée avec un chemin un petit plus évasé, plus d’espace à gauche et à droite, un chemin mieux dessiné. Ca me touche énormément ce shift intérieur que je peux partager avec les gens que j’accompagne…
Je pense à D ce matin. D. quand elle découvre que cet homme qui ne la respecte pas, ce n’est pas ok mais, surtout, en fait, qu’elle mérite mieux que ça. La part qui refuse la dévalorisation devient plus forte que la part qui se soumet par manque. Cette reprise de pouvoir intérieur, ce moi profond a eu juste un tout petit espace, tout petit mais suffisant, pour dire : mais … je vaux mieux que ça. Et que ce soit comme une évidence qui s’installe dans les jours qui suivent. Ca repartira peut être. Mais c’est venu, donc ça reviendra pour ne plus partir, et c’est beau, cette lumière de conscience qui descend chez quelqu’un…
La peur face aux autres
Je repense à une cliente qu’on va appeler Marie et à cette peur d’être dans son soi face aux autres, pendant une rencontre. Comment, en groupe, elle essaye coûte que coûte de donner l’image que ça va, qu’elle est cool. Que ça chahute mais que ça va. Alors que dans ses yeux, non clairement, ça va pas. Et on le sent. Si on est sensible, on le voit, l’évidence. On ne peut rien cacher. Les seules personnes qui sont ok pour faire semblant d’y croire, c’est celles qui jouent la même partition. Ah ah ah. Oui c’est cool, tout va bien, ça va aller, je m’inquiète pas, j’ai pleins de projets, oui c’est un peu dur, mais ça va, franchement.
Et ce qui me vient, c’est combien nous donnons de l’importance au peu qu’il y a en face, à l’image que l’on va renvoyer, alors que notre monde et notre urgence, c’est nous, notre intérieur là, pile poil au moment où c’est l’heure. On peut en mourir de ne pas regarder à l’intérieur. Les maladies chroniques en sont la manifestation. Non de l’absence de regard mais de l’énergie non libérée par l’absence de regard. Qu’est ce qu’on va aller se faire ch*** à assurer son image face aux autres quand on a un RDV de la plus haute importance avec soi-même ?!! Je dis ça, et je le comprends en même temps. Mais considérez les priorités…
Nous sommes seuls. Les autres n’ont aucune importance à ce moment là (celui du stage ou du groupe thérapeutique). Est-ce vraiment si important de maintenir une image face aux autres quand nous avons le plus grand interlocuteur de notre vie là à l’intérieur qui nous attend ? Qu’est ce que les autres face à ça ? Quelle mission choisissons-nous ? Nous dédié à nous et à notre âme ou essayer de donner le change aux autres, si tant est qu’ils en aient quelque chose à faire ? Oui, c’est bien dérisoire…
Nous n’avons rien à cacher. Ce qui est en nous est parfait. La souffrance est parfaite. Elle demande à être regardée et elle n’est que transitoire. Si les autres sont un support pour mieux la regarder en face, on utilise leur présence. Comme on utilise celle d’un thérapeute. Notre priorité, c’est nous. Pas l’image. Pas l’adaptation.
Être vulnérable face aux autres
Jusqu’où sommes nous prêt à aller au bout de nous-même ? Et montrer toute la vulnérabilité qui est à l’intérieur de nous ?
Est-ce que nous pensons, à ce moment là où il s’agit de dire ce qui passe en nous, que nous serions plus vulnérables que les autres ? Que nous souffrons plus que les autres ? Et que c’est la honte ? La vulnérabilité est une puissance. Puisqu’elle ose dire ce qui est. Est-ce mal d’être plus en puissance que d’autres ? Ou est-ce mal de souffrir plus que d’autres ? A l’échelle d’une âme, qu’est ce que ça veut dire ? Est ce qu’il faut cacher la souffrance de l’âme car elle signifierait quelque chose de honteux d’insuffisant ?
Notre douleur intérieure est parfaite. Elle est vivante. Elle est de passage. Nous faisons des expériences et nous souffrons. Puis nous allons chercher cette souffrance et nous la transmutons en conscience.
Comment être en conscience, apaisé et guidé si nous n’allons pas chercher la souffrance en nous ? S’il devient plus important de faire semblant d’aller bien face aux autres que s’aligner avec son âme ?
Il n’y a personne d’autre que nous. Quand nous sommes en stage, en groupe, en cercle, nous ne sommes pas là pour les autres, pour gérer notre image, pour faire ce qu’on nous a dit de faire, pour nous donner bonne conscience. Nous sommes là pour nous occuper de nous et aller au bout. Parce que c’est ce que demande la personne la plus importante de notre vie : notre inconscient.
Bref, alors, que disent ces peurs dans cette plongée avec nous-même et surtout, que peut-on leur répondre ?
La peur du vide
Il n’y a pas de vide à l’intérieur. Il y a une vie entière, d’émotion, d’énergie. Il n’y a pas de vide. Il y a juste la résistance à l’inconscient, aux émotions, au moi profond.
La peur du vide vient du contrôle qu’on met en place depuis l’enfance, et qui nous fait sentir inconsciemment que si nous le lâchons, il va se passer quelque chose de très grave. La mort. La peur du vide est la peur de mourir si le contrôle lâche. Or derrière le contrôle, dans le courage de regarder, il y a de la vie. C’est l’inverse. Comme d’habitude. Après, oui, c’est plein de trucs. Mais ils sont plus forts enfouis que libérés.
La peur de s’effondrer
Pour d’autres, il y a la peur de s’immobiliser et de s’effondrer. La douleur à l’intérieur est tellement déjà intense, que l’idée même de ne plus la fuir et d’aller à sa rencontre peut mettre en panique.
La vérité, c’est qu’en contactant, la douleur intérieure, on ne souffre pas plus qu’en résistant. Voire même beaucoup moins. En fuyant la douleur, en s’éparpillant, en s’étourdissant, en se dispersant, en s’activant, de ci de là, oui bien sûr, la tristesse, la colère, la peur sont moins contactables. Mais elles sont toujours là. Et elles se manifesteront derrière notre résistance, par une sensation inconfort, d’angoisse, d’anxiété. Ou par la maladie…
Quand on se connecte à une douleur, si quelqu’un est là pour nous y aider (au début en tout cas), la vague vient en nous comme si on regardait un film. On ressent la vague émotionnelle, mais ce n’est pas rigide, on l’accepte, et il n’y a que ça. Pas de pensées résistantes. C’est comme regarder un film triste ou écouter une chanson triste. C’est juste un flux d’énergie. C’est même plutôt agréable. Et si le jugement, la peur, les croyances sont encore là au tout début, tout part avec le flux ensuite.
On voit bien la différence entre le flux de tristesse plein et entier qu’on a devant un film, et la douleur de la tristesse, ou plutôt de la résistance à la tristesse, quand le mental raconte quelque chose en même temps de l’ordre du « toujours, jamais » (insuffisance, malédiction, incapacité à, fragilité, etc.).
Bref, il n’y a pas d’effondrement. L’effondrement vient de la résistance, donc à l’inverse.
Là peur de la noirceur
Il y a aussi une autre peur, difficile à croire mais pourtant bien là, dans un coin de l’inconscient, la part mentale de l’inconscient, et qui dit : n’y vas pas ! Ce que tu vas trouver, ça va pas être beau, ça va même être carrément moche.
Est-ce possible ?
Bien sûr. Il y a de la noir sœur en nous. Elle est de bonne guerre. Il y a la lumière. Si celle-ci est empêchée, si l’énergie est bloquée, la part d’ombre augmente. De façon compensatoire.
L’ombre ne nous définit pas. L’ombre est la part d’accumulation de ce qui ne s’est pas libéré. Un chien ne nait pas mauvais, un bébé ne n’est pas mauvais. Ce qui me rend mauvais, ce qui alimente les pensées négatives, la colère, c’est toute cette énergie accumulée qui n’est pas encore libérée. Libérez une grande émotion et voyez l’effet sur le mental : il s’apaise d’un coup. Avez-vous déjà expérimenté cet effet ? C’est soudain le calme plat là-haut. Ca pense plus. Ca ressent… Et ça n’a pas envie de penser d’ailleurs. C’est très bien comme ça. L’accès à la vérité se fait alors par le coeur.
En allant à l’intérieur de cette noirceur, on permet à son énergie de circuler et de se libérer. Derrière la noirceur, il y a un enfant. Spontané. Avec l’envie de vivre. Et sa perfection originelle. Ce que Chogyam Trüngpa appelle la « bonté fondamentale ».
Si un serial killer pouvait libérer l’énergie de la colère à l’intérieur de lui, et surtout le manque, et donc la tristesse derrière, l’envie de tue juste derrière ferait pschitt. Le flux d’énergie ne le définit pas. Il est autre chose et il est parfait. La noirceur n’est que la manifestation d’une énergie bloquée. Si elle débloque, on retrouve l’enfant. Parfait.
Derrière la noirceur, il y a généralement beaucoup de tristesse. Ne craignez pas la noirceur des pensées, la haine, la colère, le jugement. Ce ne sont que des manifestations de la colère qui cache le tristesse. Si vous acceptez d’aller dans la noirceur, de l’observer en vous, vous accéderez alors ensuite à la tristesse derrière. C’est celle là qui doit être libérée surtout. Après.
Exercice d’observation
Méditation intérieure – Voyage dans les peurs de l’immobilité
(voir vidéo dans parcours HS)
Centrez-vous. Respirez.
- Qu’avez-vous peur de trouver en vous quand vous vous immobilisez ?
Cherchez ce qui vous fait peur, là tout seul, entre vous et vous.
- Est-ce du vide ? Si oui, qui a t-il derrière le vide ?
Ressentez que derrière le vide, il y a un monde de vie, d’émotions et de frustrations. Et c’est ok. Car tout est libérable.
- Avez-vous peur de l’effondrement ?
Ressentez et faites confiance à votre inconscient.
L’effondrement n’est pas l’émotion. L’effondrement est l’explosion de la résistance. L’effondrement est la décision de l’inconscient de ne plus faire d’efforts. De tout lâcher. Parce que vous refusez de l’aider. Vous refusez de l’accueillir. L’effondrement est la crise de l’inconscient. Pensez-vous vous effondrer si vous lui accordez de l’espace ? Pensez-vous rencontrer l’effondrement parce que vous acceptez d’aller regarder une douleur à l’intérieur de vous ? Si vous posez l’intention d’aller rencontrer votre inconscient, de lui donner un espace, une voix, l’inconscient ne vous donne que ce que vous avez à traiter. Il pilote à l’intérieur de vous. Il n’est pas plus en lutte. Vous coopérez. Êtes-vous prêt à coopérer ?
- Avez-vous peur de la noirceur ?
IL y a noirceur. Et on s’en fout. Elle ne vous définit pas. Elle s’appuie sur l’énergie non libérée. Regardez-là et aimez là, car elle est la manifestation de votre humanité. Et elle n’est que transitoire.