Tout ce que nous refoulons nous pilote. Tout ce que nous exprimons se dissout. Il n’y a donc qu’une façon de libérer, c’est de laisser s’exprimer.
Or, comment accepter de laisser s’exprimer nos jugements, nos pensées, nos croyances quand nous les trouvons si ridicules, si effroyables, ou si témoins de nos incohérences ou de nos fragilités ?
Une seule chose permet cela : reconnaître que nous avons plusieurs parts en nous.
Ces parts ne se connaissent pas. Elles n’ont pas les mêmes pensées, les mêmes croyances. Elles peuvent se contredire. Et elles ne sont pas nous, mais elles sont pourtant là. Tant qu’on les contrôle, qu’on les empêche de s’exprimer, elles nous pilotent par derrière, et se pointeront à l’occasion d’une situation ou une relation qui nous fera mal. Et nous devenons une autre personne…
La seule façon d’en sortir est de regarder la part qui nous pilote et de reconnaître que ce n’est qu’une part. Ce n’est pas nous… mais c’est là et ça a besoin d’un espace d’expression. Car ça a des choses à dire, des croyances à raconter, des émotions à livrer.
Reconnaître l’existence de nos multiples parts, avoir l’humilité de reconnaître que nous ne sommes pas seul à l’intérieur, a ce premier intérêt. Ouvrir la porte à un dialogue, accueillir une part souffrante, lui offrir une écoute, plutôt que la fuir. Et observer alors son énergie se dissoudre, comme la brume le matin se dissout au soleil levant.
Dans cet article, j’aimerais aussi parler de notre part profonde. Une part qu’on peut toucher à force de pratiquer ou de travailler sur soi.
Celle là est ouf. C’est une part nettement plus sexy que ce que l’on connaît de nous. Quand je dis sexy, je veux dire qu’elle ne semble pas dépendre de l’extérieur. Elle paraît connectée à une source autonome, et qu’elle semble extrêmement puissante. On pourrait l’appeler le moi profond… et ok, appelons-là le moi profond.
Cette part là ne vient pas par le dialogue qu’on entretient avec elle. Elle vient par le vide. Quand il n’y a plus rien à l’intérieur. La dissolution des autres parts est donc une bonne façon de lui préparer le terrain… Dans cet accès, la pratique du mantra possède une force particulière. Car il y a a comme un pouvoir d’attraction entre le mantra et et le moi profond.
C’est ce que je vous invite à découvrir.
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L’opération sous-marine
Longtemps, j’ai ressenti (et ça m’arrive encore) des moments de tristesse ou d’angoisse en cours de journée, soudainement, sans savoir d’où ça venait. Sans pouvoir raccrocher les wagons. Je le subissais, je n’avais aucune prise, et c’était bloqué, bien bloqué.
Ces états émotionnels ne venaient pas spontanément. Mais longtemps, j’ai cru que si. Je n’ai capté que tardivement qu’il y avait chaque fois avant tout un dialogue intérieur qui se faisait en arrière plan de moi, parfois très bref, et dont je n’étais pas consciente. Il était laissé de côté… ou peut être était-ce lui qui refusait d’y participer.
L’activation se faisait par une phrase, une attitude, une situation, une évocation. Elle appuyait sur un point sensible, elle faisait écho, et hop, la pensée se créait, racontait sa petite histoire souvent bien négative, en mode toujours / jamais, et je partais pour un tour d’angoisse ou de bonne tristesse sans en saisir la source.
En vérité, j’avais tellement habitué mon esprit à ne pas écouter, que ces pensées délétères ne pouvaient que circuler en lousdé. C’est ce qu’elles faisaient du coup. Et elles me pilotaient malgré moi.
Comment lutter ?
Ben justement, la lutte est impossible. On ne peut lutter contre un adversaire invisible. La seule solution comme d’habitude, pour en réduire l’énergie, et de lui offrir un espace d’expression. Et dans cette expression, dans ce regard face à face, son énergie alors se libère et s’éteint.
Pour accepter de créer cet espace de dialogue avec des parts de soi, encore faut-il reconnaître qu’elles existent.
Or elles ont un inconvénient. Elles indiquent que nous ne maitrisons pas tout. Carrément pas tout. En fait, elles révèlent que notre conscient ne sait pas grand chose de notre intérieur…
La résistance de la part consciente et rationnelle
Quand nous ignorons que nous avons plusieurs parts en nous avec des croyances et des postulats très différents, quand on veut croire que notre conscient, ce dont nous avons conscience est ce qui existe et uniquement ce qui existe, on est parfaitement piloté. On croit piloter. On se raconte des histoires. On ne pilote rien. On est piloté.
C’est un peu similaire à la science à la mode occidentale. Ce qui n’est pas démontré n’existe pas. Ce dont je ne suis pas conscient… n’existe a priori pas. Même si j’en vois pourtant des manifestations.
Généralement, on reconnaît notre part consciente et rationnelle. Or celle-ci a déjà compris pas mal de trucs, elle a lu des bouquins, elle a travaillé sur ci, sur ça. Ok oui on a compris. C’est « réglé ».
Quand la part souffrante en nous se réveille et prend le pouvoir, au détour d’une situation, d’une phrase, d’une relation, on se retrouve incapable de s’en dissocier et on y résiste. Quand on en sort, on se retrouve incapable de s’en rappeler. Notre rationalité reprend simplement le dessus et on met de côté le tunnel dans lequel on est rentré et heureusement, duquel on est sorti. Jusqu’à la prochaine fois.
Cette part rationnelle, par exemple, sait très bien que l’on est :
- Suffisant
- Aimé et digne d’être aimé
- Qu’on a des choses intéressantes à dire
- Que les autres ne sont pas méchants et nous ne veulent pas du mal
- Que les chiens ne sont pas tous méchants
- Que l’araignée n’est pas un monstre venu de l’espace
- etc.
Mais, est-ce que ça change quelque chose au moment de :
- proposer nos prestations à un client ?
- avouer son attirance ?
- parler de soi ?
- s’intégrer à un groupe qui se connaît déjà ?
- caresser le chien ?
- d’enlever l’araignée de la chambre de ma fille ?
Non.
Donc il y a une autre part en nous.
Cette part souffrante en nous croit encore et peut déployer encore son énergie à tout moment, à la 1ère stimulation. Tant qu’on ne lui a pas ouvert un espace d’expression, comme on le ferait avec un thérapeute ou un psy, elle se remanifestera, car son énergie restera entière.
Quand est-ce qu’elle se manifeste ?
Cette part délicate se manifestera quand un écho arrive. Quand une situation, une rencontre, une action nous déclenchera d’un coup. Alors, soudain, il y a un shift en nous. La part centrée, détendue, consciente, disparaît, et elle est remplacée par une autre part. Qui a son propre raisonnement. Ses propres croyances. Et probablement une grosse blessure sur laquelle tout son système de croyances s’est bâti. Je dirais même : elle a sa propre personnalité.
N’avez-vous jamais remarqué comment dans certaines circonstances nous pouvons nous sentir différemment ? Honteux et maladroit quand on peut se sentir à un autre moment puissant et bienveillant ? Comme si nous étions plusieurs personnes potentiellement à la fois.
Exemple : Pierre a envie de proposer une action vers les autres, vers l’extérieur. Dès que le déclencheur se manifeste (un doute, un retard, une non-validation des autres), c’est sa part blessée par la non-reconnaissance de son enfance qui se met à l’œuvre. Elle va saboter toute la belle action qu’il avait prévue. Soudain, il ne sera plus le mec cool et sûr de lui, il sera un Pierre faible et impuissant, maladroit peut être. Avec toutes une gamme d’attitudes, de réactions, de façon d’être qui ne sont pas les siennes en temps normal. Il est piloté par une autre part de lui. Autonome.
D’autres deviennent, au détour des stimuli, le parfait con qu’ils craignent désespérément d’être : ils seront toxiques, humiliants et sarcastiques. D’autres, voir les mêmes, au contraire, se retrouveront soudain éteints et sans avis, sans envies, suiveurs sans charisme, désespéré de ce manque d’allant et d’énergie. Ou on peut se transformer en midinette, en attente de regard et de reconnaissance, d’amour, et s’habiller, se coiffer dans cette quête.
Est-ce nous ?
Non.
Mais quoi faire avec cette part, qui prend le pouvoir ponctuellement sans même qu’on s’en rende compte ? Faut-il l’ignorer ? Lutter contre ? Car apparemment, l’ignorer n’est pas la dissoudre. Elle est là, et quand elle prend le pouvoir, on ne peut rien faire. On est pied et poing lié. On voit le système se dérouler sous nos yeux désolés, et rien ne peut l’éteindre.
On veut l’ignorer qu’elle est encore plus présente…
Lutter contre, c’est la renforcer
Je le vois avec ma part mentale. J’ai voulu longtemps l’ignorer. Ignorer toutes les pensées négatives qu’elle m’envoyait. Le résultat, c’est qu’elles sont refoulées dans mon inconscient, et que je ne récupère que leur manifestation émotionnelle mais sans même savoir d’où ça vient, quel est l’écho qui a provoqué cette émotion. Oui, il se passait un paquet de trucs en arrière plan de moi et je refusais de laisser les choses s’exprimer directement. Je refusais de laisser parler cette part mentale qui s’effraie, s’inquiète, conclut, panique, se désespère, juge, condamne et prédit.
Car je voulais éteindre le feu.
Car je me confondais avec cette voix.
Jung et Isabelle Padovani.
Un ami me parlait de Jung ce matin, et me disait ceci (je ne lui ai pas demandé l’autorisation de reproduction, je suppose que c’est ok puisque c’est anonyme) :
« Jung propose d’établir un dialogue intérieur avec les parts en soi. Il les nomme, les fait exister…. Et ce faisant, se libère de leur emprise. D’aucune dirait que l’on se libère mieux du démon en soi, en le nommant et le reconnaissant, plutôt qu’en postulant qu’il n’existe pas. C’est tout un sujet. »</d
Nous ne maitrisons pas grand chose de notre inconscient. Et le choix qui nous est laissé est soit de l’ignorer et de faire comme si nous n’étions qu’un. Nous aboutissons alors à être totalement pilotés par nos parts intérieurs et nous nous y identifions totalement.
Ou nous avons l’humilité de reconnaître que notre vie, nos traumatismes, nos expériences ont construits des « personnes » en nous, qui feront que avec notre mère, nous ne sommes pas pareil qu’avec notre patron, notre client ou notre amoureux, en fonction de ce que ça nous renvoie, de ce que ça touche en nous. Et c’est ainsi. Et dans cette reconnaissance, nous pouvons alors laisser s’exprimer nos parts souffrantes (car elles le sont toutes, sauf une).
Quel est le but ?
En laissant s’exprimer ces parts souffrantes, sans doute incohérente et de mauvaise foi, en leur accordons notre attention, nous les laissons libérer leur énergie, donc se dissoudre. Plus elles se dissolvent, et plus nous nous rapprochons de notre moi profond.
Nous sommes de moins en moins pilotés. De plus en plus centrés et juste avec nous-même.
Simplement.
Et nous n’avons aucune, mais alors aucune idée de comment est vraiment ce moi profond. De ce qu’il veut vraiment. De ce qu’il ne veut pas. De sa puissance. De sa connexion aux autres. De sa capacité d’amour. De sa capacité de sagesse, aussi.
Le moi profond
Le moi profond est une part que nous touchons peu, et qui est détachée, centrée, observatrice, confiante, connectée à une sorte de vérité, et qui ne ressemble pas à « la chose ». Ou plutôt les choses : ces parts de nous incarnées, souffrantes, fébriles, pleines d’émotions, de peurs, d’envies compulsives, de réactions, de projets.
Cette première part, cette part de fond, est comme détachée de notre genre. Comme si nous pouvions aussi bien être un vieil homme, ou une vieille femme à l’intérieur.
Cette part là ne se soucie pas de grand chose et vit exactement à l’instant. Elle ne projette pas, elle ne regarde pas en arrière, elle est juste présente, là. Détachée des contingences. Elle a la foi en la vie. Elle ne s’inquiète pas. Elle est. Et elle est sage, comme omnisciente. Elle sait tout. Elle sent tout.
J’ai rencontré cette part après ce temps intense de méditation par mantra sur quelques mois courant 2018. Une sagesse est descendue en moi. J’étais en dehors du temps. Je voyais chaque personne dans ses blessures, je comprenais chacun et je sentais la vérité en tous.
J’aime être cette personne. Bien sûr j’aime aussi mon incarnation, mon états d’âme, mes appels d’énergie, mes émotions. J’aime aussi être une femme. C’est douloureux et chouette en même temps ! Mais, j’aime être cette personne là. Là à l’intérieur, qui ne s’embarrasse de rien. Qui voit tout et comprend tout. J’aime cette sensation d’être détachée et en même temps extrêmement présente.
Evidemment, la complexité, c’est de pouvoir la reconnecter à volonté, voire qu’elle s’installe en nous le plus possible. Evidemment, en pratiquant, elle est là. Mais elle part. Et elle peut s’absenter longtemps, à mesure que nous vivons nos phases de contractions, de nettoyage émotionnel, ces expériences qui nous apparaissent bien dures quand nous les vivons, mais qui pourtant sont nécessaires pour libérer l’énergie bloquées en nous.
Comment accéder à cette part profonde ?
Comment la faire venir en soi ?
Comment la faire revenir ?
La pratique de mon mantra habituel n’a plus fonctionné à un certain moment. Fin 2020, début 2021, j’ai perdu mon centrage. Je me suis retrouvée dans le tunnel un peu d’avant, pleine d’émotions mais sans distanciation, sans cette sensation d’être au dessus et de voir le théâtre de la vie se jouer. La conscience de moi montait après chaque crise, mais j’avais bien du mal à rester dans cette part magique.
C’était la phase de grand nettoyage. Me concernant, elle a duré 2 ans. De nombreuses identités ont refait surface. De nombreuses parts souffrantes me sont apparues, au détour des expériences, des relations.
Et il en reste. Mais, je les vois. Je les observe. Je leur permet de s’exprimer, de pleurer, de se plaindre, de se mettre en colère. Je sais que tels des enfants, ensuite, elles seront calmées… et contrairement à des enfants (heureusement !), elles disparaîtront progressivement.
Comment connecter cette part profonde ?
On pourrait penser que la méditation est la voie royale pour se connecter à cette part centrée et détachée en soi. Non duelle.
Je pense qu’elle peut l’être pour nombre de personnes. Mais pour moi, la méditation n’était pas suffisante. Mon mental était trop puissant. Mon énergie bloquée me rendait trop fébrile, trop agitée pour pouvoir méditer dans cette part profonde.
La pratique par mantra, pour ma propre expérience, est la seule chose qui m’y a donné accès. D’autres pratiques sans doute permettent d’accéder à cette part magique en soi. Mais pour les profils hypersensibles, si fébriles et si mentaux, cette absorption dans la récitation est une des seules façons de contourner vraiment le mental.
Conclusion
Dialoguer avec nos multiples parts, inviter notre part profonde à prendre sa place, pratiquer ce qu’on peut pratiquer pour provoquer cet affleurement, et puis, surtout, arrêter d’exiger la raison là où c’est par essence du feu, de l’énergie. Hyper transitoire. Sans aucune cohérence, mais avec une envie d’être écoutée indicible. Nos parts fébriles, mentales, souffrantes, émotionnelles ont besoin de notre écoute.
Et à mesure que nous ouvrons l’espace à la part profonde, nous devenons de plus en plus capable de leur apporter cette écoute respectueuse, distanciée et, finalement, pleine d’amour.
Et c’est ce qui les libère.