Dans cet article, je parle de comment ce que nous demandons aux autres et à la vie indique ce que nous ne nous donnons pas à nous-même. Et c’est bien légitime. Mais ça ne marche pas et ça peut durer longtemps, outre le fait qu’on embête les autres.
Manque d’abondance et arqueboutage maternel
Il y a un an comme ça, j’ai réalisé que je demandais aux autres de combler mon manque d’abondance. Pas ouvertement mais dans ma posture. Donc dans l’énergie. Et clairement, ma mère devait le ressentir quand nous discutions puisque elle se faisait un devoir de ne jamais y répondre.
J’avais depuis longtemps abandonné l’idée qu’elle me donne quoi que ce soit, avec amertume, mais le moindre fil de besoin ou de manque abordé activait chez elle une énergie d’agacement et de fermeture, aussi sûrement qu’une poule foncera sur un ver de terre quand il sort de son trou.
Je n’avais pas conscience de ça. Je ressentais soudain un malaise, poreuse et non consciente de ce qui opérait ( d’où la porosité !) et l’angoisse me brûlait sans savoir pourquoi, là, j’étais angoissée d’un coup.
Il y avait en fait un système qui venait de se créer : en contactant le manque en moi et en en parlant, ma mère réagissait à ma posture de victime et se positionnait à l’inverse, drapée dans la protection de ses possessions laborieusement acquises.
Prendre la responsabilité. Déjà.
Bref, et puis un jour, et j’en ai beaucoup parlé l’année dernière avec les texte sur l’argent et Clint Eastwood, j’ai pris conscience que je lui demandais de compenser quelque chose que je ne faisais pas pour moi. Si je voulais du fric, je n’avais qu’à travailler. Si j’étais pauvre, c’est que je ne faisais pas ce qu’il y avait à faire pour ne plus être pauvre. C’est que j’avais un problème (et c’est vrai !) avec l’abondance, et je lui demandais de compenser pour moi plutôt que soigner mon problème. Ou en tout cas, de prendre la responsabilité de mon problème, quoique j’en fasse derrière.
Il est vrai que j’étais dans une position de victime par rapport à ce sujet. Si je ne le disais pas, la posture subliminale en moi disait ça, et l’autre le percevait. En tout cas ma mère.
La difficulté pour lâcher ça, c’est qu’ on s’inscrit souvent dans une forme d’injustice. Donc on demande réparation. Car oui, il y a bien eu injustice dans mon enfance, je me suis construite dans le manque. Mais la réparation n’est pas de mon ressort. C’est le karma. Ca regarde chacun, et c’est la justice divine qui fera son œuvre, enfin l’énergie karmique du coup, qui quand elle va à un endroit, génère forcément une charge opposée qui se révélera et se libérera à un moment ou un autre, que ce soit dans cette vie ou dans une autre. Donc la réparation en clair n’est pas mon affaire. Mon affaire, c’est la guérison de cette énergie du manque.
Donc sortir de sa position de victime, c’est compliqué. Ça remet en cause toute notre façon d’aborder la vie, le sens de la vie, pourquoi nous sommes là, et dans un sens, accepter que ce que nous vivons là sur Terre, dans cette densité n’est pas forcément fait pour être cool, ou en tout cas, ça nous demande un gros travail de nettoyage et beaucoup d’humilité (quand notre mental voudrait tellement êre arrivé!). Bref, on est pas là pour enfiler des perles. Le bonheur, ça se conquiert. Et apparemment, pas avec les codes de notre société (sinon on pèterai tous le feu dans la rue et la joie rayonnerait de partout, on aurait remarqué).
Ce sur quoi je voulais rebondir, c’est que nous demandons à l’autre de nous donner ce que nous ne nous donnons pas à nous-mêmes.
Ce que je ne nourris pas moi
Quand nous demandons de l’amour à une personne que l’on vient de rencontrer, et quand nous souffrons que ça ne soit pas donné, on peut se poser la question. Dans quelle mesure je me donne de l’amour, dans quelle mesure je m’aime moi ?
Qu’est ce que je vais aller quérir à l’extérieur qui a besoin d’être nourri en moi et par moi ? Oui bien sûr, je ne peux pas me nourrir pour l’instant, c’est bien normal, mais il n’est pas demandé de le faire, juste observer que je ne le fais pas pour moi. On a beau jeu après d’aller le réclamer à l’extérieur !
Mon manque ne peut être nourri que par moi. C’est un grand chantier d’inversion, pour passer de la dépendance à l’autonomie, car au final, cela signifie que je dois faire comme si j’étais seule sur terre et si je ne me nourris pas, personne ne le fera à ma place (c’est le grand postulat de Je suis : seul sur terre dans l’écriture et le jeu du scénario, les autres sont des figurants, chéris, mais figurants quand même, comme des potes que l’on recruterai pour une pièce amateur). C’est exactement ça. Si je ne le fais pas, personne ne le fera pour moi. A la limite c’est pire, si je ne le fais pas, les autres feront en sorte de ne pas compenser pour moi. Bref, je suis responsable de tout. Quelle plaie !
Quand j’estime que mon conjoint devrais me donner de l’attention, de l’écoute à mes émotions, à combien j’accorde de l’attention et de l’écoute à mes émotions ? Est-ce que je créé l’espace pour les regarder, les ressentir, les respirer ? Ou est-ce que je fais diversion avec mes pensées, l’agitation, la cuisine, la marche ou une série ? Est-ce que je les traite comme quelque chose d’essentiel où est-ce que j’ai en tête de m’en débarrasser parce qu’elles me dérangent ? Si les émotions sont un message de l’âme, imaginez sa tête chaque fois que je fais diversion… elle doit pas être contente.
On peut étayer les exemples à l’infini. Quand je demande de la justice à l’autre, est-ce que je suis juste avec moi-même ? Est-ce que j’ai de la compassion pour mes faiblesses, mon humanité ou est-ce que je me punis ? Est-ce que je m’interdis en me privant de ce qui me ferait plaisir ou est-ce que je m’autorise ? Bref, est-ce que je suis juste ou est-ce que je me traite comme si je ne méritais pas ou comme si j’étais fautif ?
Cette part là qui relaye le discours de l’enfance, ce qui a été signifié ou induit dans notre crâne, qui surfe sur la blessure non digérée de l’enfance, est là et nous pilote. Jusqu’à ce qu’on la voit.
Personnellement, l’enfance pour moi, c’est sous le signe du manque. Non pas matériel mais humain : la connexion authentique à l’autre, l’intensité non déployée, le contrôle empêchant de vivre pleinement, l’impossibilité à vivre ce à quoi on aspire.
J’observe qu’il y a une posture en moi qui réclame à la vie et aux autres ce dont j’ai été privée. De moins en moins, ce qui est très cool sur le plan de la sensation intérieure, une sensation de liberté et d’autonomie. Mais ceci dit, il en reste, et ça a été une grande découverte que réaliser que je ne prenais pas personnellement la responsabilité de ma douleur, de mon manque, de ma frustration, et qu’en attendant, je demandais réparation à l’extérieur.
Arro sur l’égo
Ca peut durer longtemps cette histoire… La démarche d’aller à l’inverse est très dure pour l’égo. Prendre la responsabilité, c’est reconnaître que la posture n’a pas été juste longtemps et qu’on avait le pouvoir de se libérer seul. D’obtenir par soi-même. Qu’on était pas victime. En tout cas pas depuis qu’on est adulte. Pourtant, on était bien coincé. Ben oui, avec le personnage, on est coincé. Avec notre corps de souffrance, on ne manifeste pas grand chose, c’est vrai. On était coincé. Mais il y a une chose sur laquelle on peut agir : nettoyer. Car on ne peut obtenir directement. On doit se débarrasser d’abord du personnage… et ensuite on obtient sans trop savoir pourquoi comment d’ailleurs, c’est souvent bizarre.
Accepter de laisser faire l’expérience ?
J’ai remarqué que les personnes hypersensibles sont très bonnes pour répondre au manque, ou à plutôt à la demande de compensation du manque, parce qu’ils ne veulent pas que les autres souffrent. Ils sont trop dans l’amour, ou en tout cas ils pensent que l’amour, c’est empêcher les autres de souffrir. Alors ils vont écouter, faire, accueillir, conseiller, donner, etc. Ca ne changera rien à long terme. Juste de la perte d’énergie. Parfois de la colère, du frottement. Je l’ai vécu. A trop soutenir, on s’agace. Mais c’est nous qui voulons enlever à l’autre son expérience.
D’autres ne se fatiguent pas autant. Dans un sens, on peut les trouver durs, et ils le sont, ils sont souvent coupés de l’amour, ou rigidifiés sur Je suis. Mais au moins ils ne perdent pas d’énergie là où c’est inutile. On pourrait dire la loi de la jungle. Mais c’est vrai. La densité ici bas est une jungle. A chacun de libérer son karma plutôt que s’occuper des autres. Ca n’empêche pas l’amour, in fine. Au contraire même; Dans tout ça, quand on s’occupe de soi, il ne reste que l’amour après…
Le malheur de cette règle idiote de jeu, c’est que nous sommes venus dans la densité pour expérimenter tout, bien, mal, peu importe. A l’échelle de l’univers ça n’a pas l’air d’avoir beaucoup d’importance. Ca paraît fou mais il vaut mieux s’en accommoder et s’attaquer à son propre karma pour rester dans l’agréable. Il y a quelques mois, quand je me suis mise en stand by sur ce que je faisais, j’ai compris que je jouais ça avant, avec les gens. Je voulais les dispenser de la souffrance. Donc de l’expérience; donc de l’enseignement. Je distribuais la conscience vs mental. Mais la conscience vient de l’intérieur. Donner la conscience pour dispenser de la souffrance, tout comme donner de l’amour à qui ne s’aime pas assez, c’est enlever à l’autre sa propre responsabilité de se guérir. Il y a un processus. On est là pour ça. On s’en saisit ou on s’en saisit pas. C’est tout. Et puis accessoirement, compenser pour l’autre, ça n’attire que des emmerdes !!!
Des histoires
Je reviens sur cette histoire de manque et comment le mental comble sans prendre la responsabilité de se nourrir soi-même. J’accompagne Benoit (c’est pas le vrai prénom !!) actuellement dans sa démarche. Il me disait qu’une part en lui estime que tout lui est dû. qu’il ressentait peu d’amour pour les autres, qu’il avait une soif de consommer, d’obtenir, une soif d’attention sur lui, de reconnaissance, et quand les gens lui parlaient de leurs problèmes, il avait tendance à vite les expédier parce que leurs problèmes n’étaient pas aussi importants que ce qui lui est dû à lui.
De fait, cette part passe pas mal de temps à s’indigner et à souffrir que Madame, les enfants, la vie ne lui donne pas ce qu’il veut. De la reconnaissance, de l’attention, de l’écoute, essentiellement. Bon alors, on pourrait lui dire : vas-y nourris toi ! Facile à dire, mais si on ne se nourrit pas en retour, c’est bien qu’on a un petit background de traumatisme.
La part qui exige tant de l’extérieur a son petit discours personnel par rapport à la part sensible qui a tant besoin d’attention, écoute et reconnaissance. Elle la traite avec dureté, comme l’ont fait peut être papa et maman, la fratrie, lui demandant de se prendre en main, d’être forte, pas trop sensible, de prouver qu’elle peut, de ne pas se complaire dans la sensibilité qui est faiblesse. Autant dire qu’elle n’est pas du tout prête (et capable) de donner présence, amour, écoute et reconnaissance à la part sensible et en manque. Elle mène Benoit à la schlag, ou en tout cas elle mène sa part sensible, l’enfant qui est resté dans son jus à la schlag. Et en attendant elle invente un autre scénario plus digne, celle de celui qui n’a pas besoin de ça, qui est fort, qui s’en fout des autres, qui carbure sur le plan entrepreneurial, qui montre ce qu’il vaut, qui ne calcule pas les autres, qui a tout compris peut être (c’est lui qui dit).
Mais c’est un tour de passe passe. Ca compense juste ce qu’une part en lui ne veut pas embrasser. Et comme ça n’embrasse pas, ça demande.
Je pense à Marie (pareil !) aussi qui a fait un burn-out en entreprise. Dans cette dépendance à l’organisme toxique et maltraitant qu’on ne quitte pas alors qu’on devrait car tous les indicateurs sont au rouge, on sent bien qu’il y a une attente d’amour. Aimez-moi, accueillez moi comme je suis, montrez de la compassion, de la présence pour ma souffrance. Je ne partirai pas tant que vous ne m’aurez pas aimée dans ma vulnérabilité. Cette pression pour compenser la blessure d’origine amène l’inverse. Le con de mental des autres a envie de taper sur celui qui joue ça. Et ils le font. Bon, s’ils sont cons, c’est leur affaire, mais la question de fond reste la même : dans quelle mesure tu t’aimes toi ?
Quand l’amour de soi monte… il dit merde
Souvent pas beaucoup. Heureusement, l’expérience nous met sur les rails, l’amour monte en soi. Il se manifeste d’abord par de la colère, de la rage parfois. Puis par le respect de soi. A combien je m’aime ? Suffisamment pour dire bye bye. Ou merde. Je dirais même que l’amour pour soi devient assez rapidement une machine à envoyer paître, que ce soit dit ou pas …
Voilà, donc en exercice pratique, on peut se demander ce qui nous paraît dû, ce qui paraît devoir nous être donné, ce que l’on reproche à X et Y de ne pas nous donner. Puis se pose la question de : dans quelle mesure je me donne ça à moi ?
Et s’il s’avère que je ne me le donne pas à moi, déjà prendre la responsabilité de ça, comme une expérience de mon humanité, et qui vient de l’enfance, et qui peut se guérir. Déjà rien que le voir, le réaliser, c’est déjà commencer la dissolution du manque. Et puis l’assumer : et oui, il y a une part de moi qui ne m’aime pas. Si on creuse, on retrouve le schéma habituel : cette part recycle ce qui nous a été signifié dans l’enfance, ouvertement ou subtilement : tu n’es pas assez, tu n’es pas aimable comme ça, tu ne mérites pas, tu ne fais pas assez, tu n’es pas digne, etc. Et on se le ressert pour la vie entière !!
Le cerveau d’un enfant est une machine à équation. Et selon la couleur karmique à l’intérieur et l’environnement, les équations vont se construire parfaitement comme il faut pour qu’on puisse à l’âge adulte y revenir, et les dézinguer. Ou pas.