Dans cet article, je parle de la douleur que cela peut être de ne pas être accueilli(e) quand on est en contraction, en tension émotionnelle, et comment cet écho de non accueil peut résonner tout au long de notre vie.
Le non-accueil transforme ce qui relevait d’un état d’âme passager et nécessaire en mal-être exponentiel. Il génère une telle souffrance que rapidement, nous n’avons même plus accès au besoin sous-jacent d’origine que notre douleur nous demandait de conscientiser. Bref, c’est la bérézina. Et c’est ainsi dans notre civilisation, dès l’enfance.
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Nous croyons souffrir de nos blessures et traumatismes, mais le plus gros nœud de la souffrance est liée à l’absence d’accueil inconditionnel de notre douleur. Tout comme pleurer devant un film triste n’est pas vraiment douloureux, tout comme pleurer dans les bras de sa maman est réconfortant et soulageant quand on est enfant, pleurer l’écho de nos blessures n’est pas forcément douloureux. Ça peut être intense, évidemment, mais quand l’émotion est accueillie par un humain présent, donnant légitimité au ressenti, tout coule.
Mais, dans notre civilisation, à part notre maman, éventuellement, quand nous sommes petit, l’accueil est presque absent. La faiblesse doit être cachée. Elle invalide la raison d’être de notre civilisation. Nous avons donc un hiatus.
Tout comme une discussion mentale nécessite de se voir valider ses positions par l’autre, tant la menace est grande de risquer l’invalidation intérieure, le défaillement de toute personne dans notre société menace la légitimité de la construction sociétale. Par ricochet, nous l’observons au quotidien, dans nos vies, nos groupes, nos espaces de vie. Le défaillement est une menace. Je vais beaucoup parler de celui des adolescents dans cet article car le collège est, je crois, le meilleur laboratoire d’observation de notre « problème » civilisationnel… tant il y est poussé à son paroxysme.
L’absence d’accueil
Nous ignorons souvent que nous avons besoin d’accueil, ou nous croyons l’avoir, mais ce qui nous est donné n’est pas inconditionnel. C’est souvent une tentative d’écoute maladroite, parfois fuyante, parfois jugeante, parfois conseillante, mais souvent impuissante.
Pourquoi ? Parce qu’à l’échelle individuelle, le gouffre effraie. Les émotions perturbent, les doutes sont contaminants, ils menacent le statu quo. Ils ébranlent l’édifice. Celui qui écoute a déjà bien eu du mal à enfouir ses propres blessures, à refouler les montées dérangeantes de son âme, écouter et créditer les remontées de l’autre ne l’arrange pas vraiment, et ce malgré sa bonne volonté. Et quand je dis ne l’arrange pas, je parle de son inconscient. Consciemment lui, il veut bien faire.
Concrètement, cette posture tiraillante donne une situation assez commune. Nous sommes mal, nous sommes donc invités à parler. Et pourtant quand nous parlons, nous sommes presque encore plus mal. L’attention est volatile, le regard fébrile, le discours mental ou décalé. Quelque chose ne fonctionne pas. Et pourtant, pourtant, l’autre veut nous aider. Faire son taf. Généralement.
L’accueil inconditionnel n’est pas identifié ni à fortiori organisé dans notre société. Il est souvent absent en famille. Il est maladroitement tenté en amitié, mais assez peu opérationnel. On le fait par devoir, par gentillesse, pour être là, mais en effort. L’échange d’énergie n’est pas fluide, il n’a pas d’intensité. Cette intensité que l’on retrouve avec un thérapeute, dans un cercle de paroles ou dans une relation amoureuse, cette intensité qui fait remonter tellement d’émotions et qui les libère, n’a pas lieu.
Je connais peu de personnes qui peuvent être dans l’accueil. Sans peur. Mais elles existent. Longtemps, je n’en ai pas fait partie. Longtemps, le partage du mal-être pour moi devait absolument aboutir à une solution que je m’empresse de chercher. J’étais spécialiste des solutions immédiates car je ne supportais pas le mal-être de l’autre. Il fallait l’en sortir immédiatement. J’étais donc obsédée par les symptômes. Le mal-être était un échec. La notion de vérité à capter derrière m’échappait complètement…
La douleur dans notre monde est devenue non la manifestation de notre âme qui s’exprime, c’est à dire une manifestation d’humanité, de vérité en gestation, mais une faiblesse à étiqueter, à guérir, et, souvent, à fuir. L’accueil inconditionnel qui demande à l’autre de nous offrir sa douleur, comme un écho à notre propre humanité, n’arrive pas à se mettre en place, notre inconscient résiste trop.
Pourtant, qu’est ce d’autre qu’être un peuple ? Accueillir inconditionnellement l’autre et prendre la responsabilité collective du mal-être de chacun, n’est ce pas le rôle d’un peuple ? Le minimum et l’essentiel de ce qu’il y a à nous donner ? Sinon à quoi bon ? Si c’est pour laisser certains de côté, si c’est pour disqualifier celui qui faiblit, à quoi bon ? Alors la solitude devient presque préférable. Car là on peut autoriser ce qui effraie tant… Mais la solitude, pour les animaux grégaires que nous sommes, c’est l’enfer. Surtout quand on est jeune…
Et pourtant, c’est dans l’accueil inconditionnel, et dans le sentiment d’appartenance qui en découle, que l’on guérit. On peut l’opérer avec soi-même, on peut l’opérer avec un thérapeute, mais ça devrait opérer avec nos pairs, chaque jour de notre vie.
Autant vous dire que l’on a bien du mal à guérir dans notre civilisation 🙂
Faire oeuvre de …
Bien sûr, notre société tente de faire oeuvre, offrant quelques minutes d’écoute entre les 4 murs d’un collège par une infirmière scolaire qui ressentira probablement un grand sentiment d’impuissance car ça ne suffira pas. Ou entre les murs d’un cabinet de psy, où une attention distante sera donnée, conformément aux consignes freudienne, sans échange d’énergie, sans reconnaître l’autre dans son humanité et dans vérité non seulement individuelle mais aussi collective, bienvenu à bord avec ta douleur, je la prends et je la bénis car elle parle de moi aussi, et donc me libère aussi. Alors oui, on comprend et on libère quelques trucs. Mais notre âme est si loin…
Dans ce qui nous est offert, il y a, comme d’habitude, l’obsession des symptômes. Ne plus se disqualifier, re-intégrer (le couple, l’école, le travail, la société, le dogme). Notre prise en charge est souvent à l’inverse de ce que demande notre âme, pas tant dans les moyens que dans l’intention posée.
Nous commençons à sortir de ce schéma distant et allopathique. Myriam Beaugendre, dans son livre « Prendre soin de son âme », parle de cette attention et de cet amour dont les gens ont besoin au moment de contacter leur souffrance la plus profonde. Comment faire autrement ? Peut-on se passer de cet accueil inconditionnel quand il s’agit d’aller dans ce qui a été nié et maltraité (ma soeur m’a dit le mot broyé il n’y a pas longtemps, et il est exact) depuis que nous sommes enfants ?
Pour l’auteur, c’est en retournant à la source du « prendre soin », le chamanique, qu’elle peut alors lâcher la distance, si révélatrice de notre société. Cette distance que l’on retrouve dans le « laisser le bébé pleurer » ou « c’est pas grave, il se fera des copains au lycée »…
Il est si difficile de donner à l’autre cet accueil inconditionnel que nous n’avons pas reçu.
Se rend-on même compte qu’il est possible ? Comment poser de la conscience sur le manque d’accueil inconditionnel s’il a toujours existé ?
On ne le voit même pas. Aucun repère ne permet de le voir. Le seul repère, c’est les bras d’une maman qui dirait : oui pleure, ce que tu ressens est juste. Est-ce que ce moment a été identifié par notre société comme la clé de notre libération ? Pas vraiment…
Et pourtant, il est clé.
Le déclassement communautaire
Quand la souffrance de la personne, de l’adolescent n’est pas accueillie pleinement par ses pairs, l’état de mal-être s’aggrave. La douleur ne peut être libérée, la conscience ne peut se poser sur le besoin sous-jacent, et se greffe en plus le sentiment d’inadaptation, du « problème » que représente cette douleur.
Non seulement, on est mal, mais on voit aussi que ça nous éloigne des autres. Nous sommes disqualifiés. Nous devenons contaminants. Je pense à ma nièce, qui au détour d’une conversation m’avait dit avoir vu, alors qu’elle était en 6è, des enfants de l’école isolés, très seuls, et s’être dit : « jamais, jamais je ne finirai comme ça, et je ferai tout ce qu’il faut pour ça ».
Nous sous-estimons totalement le besoin d’appartenance. Nous sommes prêt à sacrifier énormément de notre exactitude avec nous-mêmes pour nous sentir appartenir. Solene n’a plus jamais faibli. Elle parle avec lucidité et dérision de cette boule d’angoisse à l’intérieur à l’ampleur inexplorée. Pour l’instant, ça tient. Le défaillement serait la fin. Car rien ne nous retient. Il n’y a pas de de matelas en bas. Le 1er qui défaille est foutu.
Quand nous faiblissons, quand nous commençons à être mal, ce qui arrive souvent à l’adolescence, ce qui n’était qu’une simple manifestation de l’âme devient une définition identitaire. On devient une personne problématique, à fuir (parfois à moquer dans le pire des cas), le soutien communautaire est inexistant. Au contraire, on est au ban. On fait partie des déclassés. Ceux qui ont pitié nous regardent avec commisération, heureux de ne pas en être (comme ma nièce) et se promettent de ne jamais faiblir. Ceux qui roulent dans la matrice civilisationnelle tenteront de se donner de l’importance ou de la popularité en appuyant la disqualification pour se se sentir encore plus qualifiés dans leur groupe.
Dans cet abandon de celui qui faiblit, viendront forcément, pour celui-ci, des équations erronées qui lui permettront d’apporter des réponses aux pourquois qui forcément, l’envahissent. Ces équations le suivront toute sa vie, en filigrane des situations qui feront écho au passé : « Je suis torturé(e), instable et fragile », « Je suis un problème », « Je ne peux être heureux », « si je suis faible, je serai toujours seul(e) », « je ne pourrai jamais être intégré(e) », etc. Ces croyances auto-réalisatrices le re-confronteront éternellement aux mêmes situations douloureuses, car leur énergie non libérée les rend auto-prophétrices.
C’est celui qui est dit qui est
L’étiquette de l’extérieur est une prédiction auto-réalisatrice. Je ne t’accueille pas, je t’estime « problématique », le malaise s’accentue puisque l’accueil inconditionnel est remplacé par l’étiquette definissante, confirmant ainsi, je te l’avais bien dit, que tu avais un problème, et c’est de pire en pire. Donc tu as vraiment un problème. Donc j’avais vraiment raison. La boucle est bouclée.
Cela me fait penser à ces relations de couple où l’un reproche à l’autre sa fragilité, son indécision, sa faiblesse, ses états d’âme, son état dépressif, sa sensibilité, son manque de confiance en lui. C’est au contraire son rayonnement qui l’avait attiré, ce que l’on pourrait traduire par l’émission « lumineuse » de la sensibilité. Puis, la cible engage une démarche pour aller mieux et découvre que l’étiquetage est auto-réalisateur. C’est parce que je suis étiquetée problématique que je suis mal. Et plus je suis mal, plus ça confirme l’autre dans son étiquetage, donc dans jugement éclairé. Si confortable, car en attendant, moi, l’étiqueteur, je vais carrément mieux que l’autre et je m’en sors carrément mieux. Donc tant que l’autre ne va pas bien, il me confirme que je vais bien.
On retrouve le besoin désespéré ici de la validation du mental. Valide moi, valide moi, dis moi que j’ai bien fait, que j’ai fait le bon choix, que je vais bien, que je ne suis pas nul, que j’ai eu raison de m’adapter…
L’intéressant ici est que dès que l’étiqueté sort de la relation, même brièvement, il reprend de la luminosité. Comme par miracle. La fleur refleurit au soleil. En revanche, l’ombre reste ombre. Rien ne bouge chez celui-là. A moins d’un effondrement, ce qu’on ne peut que lui souhaiter.
Le collège a cet effet. L’école primaire aussi pour certains. A mesure que l’enfant s’affaisse, cela confirme le diagnostic de problématique. A moins qu’une personne ne lui tende le miroir de sa vraie identité, rayonnante, chouette et unique, non problématique mais vivante et incarnée, avec des phases de mal-être qui parlent de vérité intérieure, il sombrera. Cela peut arriver, ce miroir positif, accueillant. Cela arrive. Un ami parfois. Un prof. Une grand-mère (je le retrouve beaucoup dans l’expérience des + de 60 ans, la grand-mère bienfaisante et son regard valorisant sur l’enfant). Mais, pour beaucoup, le regard « qualifiant » du pair, ce regard qui nous rend notre vraie identité, ne viendra pas. Ou il sera insuffisant face à l’ampleur du déclassement.
L’écoute disqualifiante
Il y a des personnes, souvent des proches, en présence desquelles notre mal-être peut s’aggraver. Sans que nous nous en rendions bien compte, nous sommes encore moins bien en les quittant. Pour peu qu’on puisse identifier le phénomène (on ne l’identifie que quand on fait l’expérience inverse, encore faut-il la faire…). Pourtant on a discuté, expliqué, pleuré. Mais rien n’a été libéré. Au contraire, nous ressortons de ce moment avec une angoisse diffuse qui ne dit pas son nom.
Et pourtant, elles font de leur mieux. La vérité, c’est qu’elles ne peuvent réaliser l’accueil inconditionnel. A l’intérieur, ça fuit, ça panique, ça étiquette, ça ne peut écouter vraiment, ça donne des conseils, c’est gêné, c’est distrait. Bref, au mieux, ça n’est pas vraiment là. Au pire, ça en profite pour faire des lois et nous expliquer que nous avons un problème.
En vérité, comment accueillir l’autre quand on est incapable de s’accueillir soi-même ? Quand on est paniqué par ses propres remontées ? Quand on essaie de s’adapter à tout prix, pour être dedans ? Intégré. Safe à l’intérieur. Valide-moi, mon Dieu…
C’est donc techniquement impossible.
Notre monde est construit autour de la non-contraction. Pour un homme qui ne traverserait rien. Dont l’âme serait silencieuse.
Même en développement personnel, on nous explique parfois qu’il faut apprendre à gérer les émotions, ou s’en débarrasser. Comme si cette manifestation était une cible à abattre. Un problème. Comme les bébés qui pleurent trop, les chiens qui aboient trop, les ados qui fument trop et les adultes qui dépriment ou qui picolent trop. Nous ne voyons pas la manifestation d’humanité et le besoin humain non nourri derrière. Nous ne voyons qu’un problème à régler, et à évacuer. Eviter la contamination…
Le non peuple
Et pourtant, c’est une des fonctions essentielles d’une communauté : accueillir la contraction de ses membres, la comprendre, en saisir l’écho qui servira à tous, pour qu’elle se libère, pour que la communauté s’améliore.
Dans cette inadaptation de notre monde à accueillir la contraction, nous sommes tous sur le qui-vive. A part ceux qui ont déjà chuté, évidemment. Car nous sentons bien de façon floue que si nous commençons à faiblir, personne ne pourra vraiment nous rattraper. Tout prendre et créditer. Alors, on sera seul face à la douleur, et ce sera la déchéance. La chute. Sans rattrapage.
Nous sommes dans l’insécurité permanente de l’affaiblissement. Bien sûr, il y aura des amis, la famille, le conjoint, un thérapeute, le psy, l’infirmière scolaire, l’hôpital, la maison de repos, l’éco-lieu, etc. Mais en vérité, il n’y a personne.
Car il en faut, de la puissance, de la confiance dans l’humanité, pour pouvoir donner cet accueil inconditionnel à la souffrance, à la douleur, aux émotions de l’autre sans la craindre. Sans en craindre l’écho pour soi. Sans créditer la matrice. Sans peur d’être déstabilisé ou contaminé.
Et elle est rare, cette puissance.
A quoi ressemble concrètement une écoute apeurée ?
A ça :
- l’écouteur est mal à l’aise, il ne sait comment réagir, ses yeux sont fuyants, le vide est sidéral,
- l’écouteur est étreint par un sentiment d’impuissance, la douleur de l’autre le rend malade, il voudrait l’en sortir, sa douleur est un problème (ça c’est moi avant !).
- l’écouteur reste détaché, tout en étant empathique intellectuellement. Il ne s’implique pas émotionnellement, et d’ailleurs il ne ressent pas vraiment d’émotions. L’énergie ne circule pas du coup, le moment est froid. C’est une caractéristique qu’on retrouve plus chez les hommes. J’avais un ami américain qui avait appris à écouter. Il maitrisait les codes de l’écoute. Mais il n’était pas là émotionnellement. Il faisait son taf car il voulait être un bon humain. Il voulait vraiment être un bon humain. Il avait vraiment appris avec application à ne pas couper la parole, à regarder l’autre dans les yeux, à être patient, à le laisser finir, à reformuler pour être dans une écoute active. Mais il n’était pas là. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il était lui-même terrorisé par ce qu’il y avait à l’intérieur de lui… Comment faire pour l’autre ce que l’on ne peut faire pour soi-même ?
Pour certains, la souffrance de l’autre devient une manifestation à moquer ou dénigrer :
- En reprochant l’état de douleur, comme si c’était anormal. Comme les mères le font souvent avec les filles : « oh prends sur toi, tu es trop sensible », renvoyant cette image de la perchée, la torturée, l’instable que connaissent bien les hypersensibles. C’est ce que font les adolescents avec ceux qui faiblissent. Non seulement ils n’accueillent pas, mais il importe de désigner le faiblissant comme anormal. Le faiblissant n’est plus rappelé dans son identité au delà de la souffrance : vivant, sensible, spontané et enthousiaste. Il devient celui qui est trop torturé, trop fragile, trop instable, inapte à être heureux. Il est à fuir et l’auto-prédiction s’installe.
- En se posant en exemple : fais comme moi, je suis fort(e), etc. ce qui permet aussi de se dissocier de celui qui faiblit en mettant en avant sa force, ou sa capacité à être heureux, un peu comme si l’autre s’appuyait sur le faiblissant pour valider le fait que lui, en revanche, va bien. Nul besoin de dire que ce rapport est particulièrement destructeur car il valide d’autant plus l’identité « problématique » de celui qui faiblit : les faits, les histoires, tout confirme l’inaptitude : l’un vit des trucs chouettes et a confiance en lui, l’autre ne vit que des trucs négatifs (on le repère d’ailleurs au fait que la personne qui semble accueillir ne raconte que des choses positives sur elle, et en particulier quand l’autre va mal… besoin de validation :-).
- Par la condescendance, parfois la pitié : cette condescendance du mental face aux manifestations de notre âme, avec cet instinct supérieur de celui qui est au bon endroit, qui est sur la bonne voie, et qui plaint celui dont l’âme se manifeste est d’une violence particulière… Le mental qui devrait être serviteur comme le raconte Einstein joue au gagnant face à l’âme. Victorieux et validé par la matrice, tel un fonctionnaire de vichy jouissant de la bonne conscience que lui permet le système face à un humain déjà disqualifié… C’est un peu fort ce que je dis ? C’est un peu ça quand même.
N’avez-vous jamais été confronté à un petit fonctionnaire des règles qui vous indique que vous êtes disqualifié parce que vous vous échappé des règles alors que lui les suit parfaitement ? Il me vient une histoire dans cet esprit, un promeneur à Rochefort sur Terre qui m’avait alpaguée parce que je promenais mon chien sans laisse et que j’étais sans masque. J’ai cru d’abord que c’était un flic en civil. Mais non. Il était faible, ça se voyait dans ses yeux et sur son visage, mais il jouissait de pouvoir utiliser les règles pour pouvoir (enfin !) se sentir un peu de pouvoir, et in fine, validé. Il m’avait jetée à la fin : « Allez, circulez ! ». Mon ami belge et moi avions halluciné, rigolé un peu, mais nous étions aussi consternés…
Bref, ce système de la disqualification de celui qui a mal bénéficie particulièrement aux plus faibles qui se sont soumis. La validation est un eldorado et entretenir le mal-être peut être une porte pour valider que tout va bien chez eux.
Alors, est-ce que ça a toujours été comme ça ?
Un problème civilisationnel
Je ne suis pas sûre qu’à long terme, une civilisation puisse survivre si elle ne prend pas soin de l’âme de ses membres. Une communauté qui survit est une communauté qui accueille. Il y a des peuples qui ont disparu. Et d’autres qui ont survécu.
Nous avons probablement été dépossédés de notre capacité d’accueil. Quand, pourquoi ? A partir de quand l’émotion, la douleur est devenue un problème à éradiquer chez nous ? Avec le christianisme ? Ou avec l’arrivée des tribus patriarcales de l’Est quelques milliers d’années avant ? Les celtes étaient-ils déjà comme ça ?
Avons-nous expérimenté dans notre communauté cette énergie d’accueil, d’amour, cette force yin où la douleur de l’autre est un écho à notre propre douleur ? Quand sommes-nous sorti de l’Ubuntu, où chaque personne est le miroir de l’autre, une cellule dans un même corps, et où personne, personne ne sera jamais laissé de côté ?
La romanisation, la christianisation ? Saint-Paul et son délire anti-Jésus ?
Quelque chose nous a changé. Et a transformé ce qui est naturel à l’humain, en quelque chose de problématique, à guérir, ou à éloigner.
Depuis quand le mental nous explique la vie ?
Il y a quelques temps, dans un moment down, ma nièce (une autre) est venue me voir chez moi. Elle ne pouvait être en présence. Elle voulait, elle m’y invitait par la parole, mais ses yeux fuyaient. Soudain distraite par 10 000 trucs pendant que je parlais. Et puis soudain, une saillie de son mental satisfait qui, sur un ton désolé pour moi, me dit : allez, sans doute, un jour, tu iras aussi bien que moi (sous-entendu : moi qui ait fait le bon choix). J’ai ressenti beaucoup de violence dans cette phrase. Ma nièce sortait d’un mois d’hospitalisation à l’HP. Sa stratégie était le refoulement. Elle validait sa stratégie. Sur le coup, sans conscience aucune, toute émotionnée que j’étais, j’ai ressenti un grand désespoir. Plus tard, j’ai saisi que ce n’était que la réminiscence de l’étiquetage que j’avais reçu dans le passé, le cadeau du mental à l’âme qui s’exprime dans notre mal-être, et son besoin absolu de validation : « Tu as un problème. Je n’en ai pas. Dites moi que j’ai fait le bon choix… ».
La vérité, c’est que quand notre âme s’exprime, il y a une énorme maltraitance à être accueilli par le mental. Et ce d’autant plus s’il essaie de se cacher sous un vernis de confiance en soi, de bonne conscience. De celui qui a fait le juste choix. Ce côté fonctionnaire de Vichy.
Alors oui, dans ce moment-là, quelque chose nous rend inapte au bonheur. Une part de nous s’éteint. Nous doutons. Et émerge alors une identité angoissée et malheureuse qui n’est pas nous. Mais qui soudain nous définit et que nous nous approprions, dans l’enfance, puis dans l’adolescence.
Le lendemain, j’ai eu une expérience inverse, avec deux personnes. Mais le ressenti fut inverse. Les 3 étaient pourtant dans la même volonté de bien faire. Mais, dans ceux-là, qui pourtant pourraient paraître plus fragiles ou plus sensibles vu de l’extérieur, peut-être vu de la matrice, il y avait une puissance infinie. Qui disait « Même pas peur ».
Ceux-là, quel que soit l’état en face d’eux, ne voient que la manifestation de l’âme. Et ils trouvent ça beau. Et ils s’en abreuvaient. Car eux aussi, avaient leur tourments, et les autres avec leurs tourments, sont leurs frères d’armes.
Cette puissance qu’on retrouve dans le regard qui s’absorbe en nous quelle que soit la douleur, qui reste ferme, intéressée, intense et présent, compréhensif et curieux, elle est rare dans notre civilisation.
J’ai rencontré beaucoup de gens qui avaient des pouvoirs, des dons, des capacités, sur le plan énergétique, intuitif, perceptif. Mais honnêtement, tout cela n’est rien. C’est une ouverture pré-existante qui a toujours existé et qu’on avait oublié. Ok, donc le canal fonctionne. Pourquoi pas.
Mais cette puissance de l’accueil de notre humanité, cette capacité à la trouver belle et vivante, sans en avoir peur, c’est plus que précieux. C’est fondateur d’un autre monde.