Dans cet article, je vais essayer de synthétiser le pourquoi de l’hypersensibilité (nous sommes d’accord, ça mérite un bouquin) et ce que l’on peut en faire.
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Le contrôle amène la souffrance
L’hyper de notre sensibilité humaine vient de la tentative de contrôle que nous exerçons sur notre ressenti. Pas seulement les émotions, mais également les intuitions, les perceptions, les sensations.
Nous n’avons aucune idée de l’ampleur de cette résistance en chaque humain dans notre société. Nous la mesurons en fait tout le reste de notre vie, à mesure que nous y travaillons. Cette résistance est un boulot à plein temps, particulièrement consommateur d’énergie. Et pourtant nous l’exerçons, depuis l’adolescence. Parfois avant.
Ceux qui résistent moins bien. Or parmi tous ceux qui résistent (donc tous, sauf les petits enfants), certains bloquent moins bien : ils sont, malgré leurs efforts, traversés (d’intuitions, d’émotions, etc.). Ces manifestations intempestives les pointent comme moins adaptés, ou non-conformes. Ce sont les hypersensibles. Les hypersensibles ont donc cette spécificité de se battre fortement contre leur ressenti. Et plus celui-ci est fort, plus ils sont en résistance. Et plus ils sont en souffrance.
Pourquoi bloquons-nous nos perceptions, nos évidences, nos envies, nos émotions, nos intuitions ? Nous bloquons car nous pensons, souvent inconsciemment, que ce qui est à l’intérieur de nous n’est pas juste. Que notre ressenti n’est pas conforme, ou que nous y connecter pourrait nous faire souffrir. Tout est malentendu. Vous vous en doutez. Mais en attendant, nous ne sommes guidés par rien. Et nous nous relions à rien. Et nous sommes malades (psychiquement, énergétiquement puis physiquement).
La souffrance n’est pas liée à la douleur mais à la résistance à la douleur.
Le malentendu d’origine
Notre peine à vivre vient d’un malentendu. Ce n’est pas le ressenti qui génère le mal-être mais la résistance au ressenti. Un enfant qui est triste vit pleinement sa tristesse. Puis il est disponible pour une émotion de joie. S’il est en colère, il vit pleinement sa colère. Il libère à chaque fois l’émotion en lui pour être ensuite disponible pour ce qui le traversera : la joie, le rire, à nouveau la colère, etc.
Il y a résistance car on juge l’intérieur. On croit être insuffisant. Fragile, blessé, structurellement névrosé, inadapté, etc. Rien de tout cela n’est vrai. Mais on le croit.
On juge car nous avons été conditionné en cela. Nous, nos parents, nos amis, notre famille, l’école, notre société, notre civilisation nous a indiqué que notre ressenti n’était pas vrai ou indiquait une inadaptation. C’est ce qu’on peut appeler notre formatage sociétal, l’ADN de notre société. Et il est d’autant plus difficile à voir que nous en sommes imprégnés. Avez-vous déjà entendu quelqu’un remarqué que son ressenti était nié par la société (avant un travail sur soi) ? Non. Il est en colère, ou il est triste. Mais il ne voit pas l’évidence. Il est imprégné.
Les hypersensibles ont cette tendance au « pas de côté ». Ils voient des absurdités, des choses qui ne sont pas alignées, pas justes, ou des évidences, et l’extérieur contredit ce qu’ils ressentent. Ce frottement génère leur souffrance. Ils y participent d’ailleurs eux-mêmes puisqu’ils jugent leur ressenti en accordant leur crédit à l’extérieur. La boucle est bouclée.
Les conséquences de la résistance
La résistance est désagréable dans l’instant, surtout pour les hypersensibles car l’énergie de l’émotion est plus forte que la résistance, on ne peut donc pas faire « comme si » ça allait bien. On ressent stress, anxiété, angoisse, et à l’extrême attaques de panique. Parfois quand un fort ressenti donne lieu à une forte résistance, on développe des symptômes « psychiatriques ».
A long terme, dans le déroulé de notre vie, comme on ne libère pas l’énergie des émotions, on devient piloté par elles : nos actions sont orientées sur ce qui n’a pas été libéré, notre vie tourne en boucle pour rejouer les mêmes scénarios qui provoqueront les mêmes émotions, qui seront à nouveau refoulées et stockées.
Physiquement, l’énergie bloquée à l’intérieur stagne. Elle nous rend malade. Nous commençons à développer des maladies chroniques, auto-immunes, des insomnies, etc. J’ai ainsi pour ma part été insomniaque pendant 17 ans. Certains symptômes physiques peuvent concernés des enfants dès le plus jeune âge (insomnies, douleurs). Les maladies chroniques viennent plus tard.
Le pilotage par l’inconscient
Le pilotage inconscient est particulièrement intéressant à saisir car c’est lui qui oriente nos vies, nos décisions, nos actions – en particulier quand on refuse de regarder notre vérité intérieure.
En vrai, nous ne maitrisons rien. Nous croyons piloter… Non, nous ne pilotons rien. Il suffit de voir comment des experts avec la même science peuvent se déchirer sur un même résultat, une même interprétation et aboutir à des conclusions inverses. Nous sommes guidés par tout ce que nous avons refoulé. Et c’est notre inconscient qui mène la danse.
Il ne peut y avoir connaissance et vérité qu’en ayant amené à la conscience ce qui était refoulé jusque là. Et là, seulement là alors, nous sommes libres. Et nous avons accès à la vérité. Qu’elle qu’elle soit. Celle qui nous préoccupe en tout cas.
Le « pilotage par l’inconscient » est une drôle de machine, que l’on pourrait critiquer, et qui en même temps, fait exactement ce qu’il y a à faire. L’inconscient nous fait aller là où ça fait mal, là où nous allons pouvoir à nouveau nous connecter à nos émotions refoulées. Là où peut être, cette fois, sur un malentendu, nous accepterons enfin de nous laisser traverser.
Bien sûr, tant qu’il y a jugement, nous revivons éternellement les mêmes histoires et les mêmes situations douloureuses : je souffre de ne pas être écoutée, je ne suis pas vu(e), je suis maltraitée, je suis en colère contre tous, je n’arrive pas à m’affirmer, je suis dépendant affectivement, je ne serai jamais reconnu, je ne suis pas digne d’être aimé, etc. Et à chaque situation, si nous ne prenons pas la décision de jouer différemment, nous repartons pour un tour : nous résistons aux émotions car nous jugeons notre ressenti, nous refoulons à nouveau l’énergie des émotions, nous sommes pilotés par elles à travers l’inconscient, nous nous retapons les mêmes situations, etc. Ca peut durer longtemps en fait 🙂
A la fin, ça chauffe
A la fin, on s’en doute, nous nous retrouvons dans un état super moyen, l’état qui fait que vous êtes peut être sur ce blog : en burn out, en maladie chronique, en mal-être, en anxiété généralisée. Si on est un peu malin, on se débarrasse de cette énergie sur-stockée avec des pratiques énergétiques (massages, acupuncture, énergéticien, réflexologie), mais le système ne fonctionne pas en mode autonome. La démarche reste allopathique. C’est bien, c’est même indispensable pour ressentir un bienfait immédiat, mais le mieux, c’est quand le processus naturel opère librement, en conscience.
Ca paraît quand même bizarre toute cette histoire
Oui, ça paraît bizarre. Et pourtant. J’aime poser cette question quand, dans la discussion, mon interlocuteur a bien du mal à accorder crédit à son ressenti et croit en la nécessité de « faire des efforts », se contraindre.
Est-il possible que notre ADN ait survécu depuis 2,5 milliards d’année en nous contraignant ? Qu’a t-on suivi au cours de ces 2,5 milliards d’année, notre instinct, notre envie, ou un truc à l’extérieur qui dit il faut, tu dois ?
Inverser l’automatisme, c’est pas petit
Il peut paraître facile de conclure que notre ressenti est juste, comme ça, en en discutant, en faisant appel à notre raison. Mais à l’intérieur de nous, profondément, c’est une autre paire de manches. Car c’est un bouleversement assez extraordinaire d’imaginer que notre ressenti soit et ait toujours été juste. Et notre cerveau a besoin de sens. Or reconnaître que mon ressenti est juste depuis toujours, c’est remettre en cause l’interprétation de tout ce que j’ai vécu jusque là. Car il y avait bien un problème pourtant. Donc si ce n’est pas moi, si je sentais « juste », comment expliquer l’extérieur ? Les réactions, les situations, les postures, les affirmations, les incohérences ?
Si on n’obtient pas de réponse à cette question, « le pourquoi si mon ressenti est juste », le processus n’est pas complet. Le doute demeure. La croyance ne s’évacue pas complètement, surtout pour certains profils d’hypersensibilité. Elle le sera par l’expérience. Eventuellement. Mais ça prendra du temps. Le process ne sera pas complet.
Quand il s’agit des autres, et quand il s’agit de moi…
J’ai expérimenté cette contradiction entre « Oui, l’émotion est juste » et « Heu…non, pas moi » sur un stage de yoga K associé à un cercle de paroles.
Sur le papier, tout le monde semblait ok pour reconnaître que sa colère était juste, que sa tristesse était réelle et justifiée, etc. Mais au moment même où chacun parlait de son émotion, on voyait l’incroyable résistance qui s’opérait en chacun pour ne pas laisser l’émotion pleinement le traverser. La tension était d’ailleurs assez extrême car il y avait beaucoup d’émotions.
Pourquoi ? Parce que : « Oui, pour les autres, je suis d’accord, l’émotion est juste ». Mais pour moi… j’ai tellement peur d’avoir eu raison, j’ai tellement peur d’abandonner l’idée que je n’ai jamais, jamais eu de problème… car alors, d’où viendrait-il ?
C’est ça. Nous avons besoin de sens. Décréter que l’émotion est juste ne suffit pas. Il faut déconstruire le système en même temps. Et en trouver l’explication en même temps.
La machine de guerre vs la présence
Nous avons une part en nous qui est en mode automatique de résistance. Corporellement. On peut savoir que le ressenti est juste avec la tête et même avec le cœur, mais quand il s’agit de nous… Grand Dieu notre mode automatique de résistance devient soudain une machine de guerre.
Cette résistance se travaille au corps à corps. A chaque situation. Par la présence, en pratiquant corporellement, par le vide. Enfin toutes les solutions existantes qui se rejoignent toutes. Et plus on le fait, plus ça devient fluide. Le plus difficile est le début. C’est un process comme dirait François Lemay .
La présence de l’autre remet de la perspective sur ce que dit notre mental et autorise le crédit au ressenti : je suis mal, à quoi je résiste, pourquoi je résiste, quel jugement automatique s’exerce sur moi, quelle est la croyance, et si mon ressenti est juste, que dit-il ? Et pourquoi est-ce si dur de lui accorder crédit ?
Mais encore…
Qu’est ce qui se passe ou s’est passé, en vrai, dans mes expériences de vie, non pas comme je me le raconte, mais comme le système entre moi et les autres s’est déroulé ? Car c’est ça, nos expériences de vie, des systèmes entre humains, apeurés, cachant leur peur, pompant l’énergie de l’autre inconsciemment, essayant de re-glaner une parcelle de pouvoir ici, piloté par ses blessures là, niant sa sensibilité là-bas…
Quand on accepte de ressentir pleinement, sans jugement, nous libérons l’énergie bloquée en nous. Et il y a chaque fois un avant et un après. La moindre parcelle d’énergie, de blessure que nous libérons, nous change définitivement, même si c’est un fin morceau. Et qu’il y en a d’autres.
Ca peut paraître fou que cela suffise. Mais ce qui paraît fou, c’est que cette capacité naturelle de guérison ait été perdue.
Que les enfants l’aient, et que nous réussissions le tour de force de la crédibiliser, puis de l’oublier. Pour ensuite s’y remettre plus tard, paniqués, pour réapprendre, moyennant finances, comment ça fonctionne, au fait.
Le risque du confort
Mettre du sens et changer de perspective, entrainer le corps et l’esprit à libérer émotions et consciences, c’est un trip puissant. Parce que ça fonctionne. C’est un process passionnant à vivre, et il opère juste si on y met un peu de foi ou de volonté au début (car après, on y croit).
Mais démarrer, c’est toujours compliqué : Ca va pas marcher. Ca sert à rien. Que vais-je découvrir à l’intérieur de moi ? C’est la merde là-dedans. Je peux y arriver tout seul. Avec le temps, ça va aller. Quand j’aurais obtenu ça, ça ira mieux. Ah plutôt ça finalement. J’ai peur d’être faible. J’ai peur du vide. J’ai peur de souffrir à nouveau Je m’en sortirai jamais. Je suis pas capable. Oui mais moi, c’est pas possible. Etc.
Il faut donc souvent atteindre un point de non retour pour aller au-delà de ces peurs et prétentions. Une souffrance suffisante pour que quelque chose lâche en nous. Et nous amène à penser le truc qu’on avait jamais penser jusque là : ok, j’en sais rien, je n’ai aucune certitude, mais je vais essayer quand même, parce que là, je ne vais pas y arriver tout seul.
Notre ennemi, finalement, c’est le confort. Le statu quo. Les revenus, le mari, la maison, l’intégration, la stabilité émotionnelle apparente. Et pour ceux qui n’ont pas le confort, le crédit accordé à l’extérieur. Puisqu’on n’arrive pas à m’aider malgré l’expertise (en addictologie, en insomnie, en bipolarité, en dépression, en cyclothymie), c’est que c’est moi. Donc je suis inguérissable. .
Alors oui, demander de l’aide, aller là où on ne connaît pas, là où a des a priori, ne pas comprendre comment ça marche, ne pas savoir si ça va marcher, et y aller quand même, bref s’abandonner à ce que l’on ignore, mais le faire quand même, pour soi… c’est beau 🙂