Il y a quelques temps, pas longtemps, j’ai vécu un « moment » avec ma mère. Je l’ai vue être en train d’être systémique avec moi, et j’ai vu pourquoi, ce qui l’animait. Et puis aussi, j’ai senti bizarrement que ça n’accrochait pas sur moi, je ne rentrais pas dedans, je n’étais pas téléguidée par une énergie douloureuse à l’intérieur. Du coup je la voyais. Et à ce moment là, ce n’était pas ma mère. C’était Marie-Thérèse, un être comme un autre qui se débat dans ses contradictions. En l’occurrence, l’histoire est anodine, je lui avais proposé de lui apporter des ingrédients de gâteau sans gluten car elle s’était plainte de ne pas pouvoir nous faire de gâteau quand on vient le dimanche. Elle m’avait dit ok, mais le geste s’était conclu par une plainte misérabiliste de sa part que je lui mettais la pression comme toujours, mais sans que ce soit expressément dit, plutôt signifié par l’attitude, ce qui est le meilleur moyen de faire entrer un idiot d’hypersensible dans le jeu, il ne voit rien venir !
Après avoir partagé cette histoire avec le groupe de pratique, ça a été mis à plat, voici.
Extrait des Q/R du groupe de pratique. Question de S :
Comment réagir avec Je suis quand on est face à quelqu’un qui nous pourrit (ma mère) par exemple ? Comment as-tu fait toi avec ta mère la semaine dernière ?
La question n’est pas tant comment je réagis, parce que si je me pose la question de bien réagir, c’est que je suis encore dans la réaction face à l’autre, donc dans la dépendance au regard de l’autre, donc dans la volonté mentale de compenser quelque chose, ici peut être le respect de soi ou la perte de pouvoir. Et c’est normal parce que nous essayons de compenser tout le temps 🙂 Enfin notre mental essaye de compenser. Mais nous sommes au contraire inviter à faire des expériences, et non de lutter contre les expériences.
Si ça veut réagir en toi, peut-être demande toi d’abord de quoi tu refuses de faire l’expérience. De quelle expérience d’ humiliation ou d’infantilisation tu veux t’échapper, et accepte de la faire au moment même tu vois ta résistance. Pleinement. Observe l’expérience. Ressens là. C’est ce que te demande ton âme. Tu es immobile. Et tu respires l’expérience que tu as commandé à ta mère/patron/copain, etc.
Au moment même où tu vas la vivre, où tu vas accepter l’émotion, le rôle, la pièce, même si elle ne te plaît pas au niveau de l’ego, quand tu acceptes pleinement de vivre l’instant de c’est l’histoire d’un mec qui vit l’humiliation ou l’infantilisation, une partie de toi va se détacher et observer l’expérience. C’est Je suis.
Tu ne fais rien, tu n’essayes rien, tu ne penses rien, tu ne fais que observer l’expérience du mec qui fait l’expérience de ça. Comme si tu avais accepté un rôle dans un film. Et la vérité c’est que tu as accepté le rôle dans ce film. Et tant que tu refuses le rôle, que tu résistes à l’expérience, elle va persister.
Ensuite, une fois que tu as bien accepté de vivre cette expérience (accepter de vivre l’expérience peut prendre quelques secondes, et sentir qu’on y résiste d’abord prend aussi quelques secondes ), tu changes ton focus et tu examines l’autre. Le mental de l’autre. Qu’est-ce qui se joue en lui pour qu’il ait besoin de faire ça à l’autre, et ici à toi ? Tu vas observer ça comme si tu étais en train de regarder un film, c’est à dire que tu n’es pas, tu n’es plus acteur du film, tu ne le prends plus personnellement. Tu es observateur du tunnel de l’autre. Tu mates un film quoi. Mais, ça peut t’amener de l’émotion, l’émotion de Je suis. On en parle après. Mais peu importe; Tu es entomologiste de l’autre.
Pour arriver à cette observation d’entomologiste, il faut que tu aies d’abord accepter l’expérience avant. Et que la dissociation avec le mental ait suffisamment progressé (et elle progresse mécaniquement quoiqu’on fasse) pour pouvoir se faire là. Ca veut dire qu’une part en toi ne part plus du principe que l’attitude qui a lieu envers toi est normale. Que tu la mérites ou que tu l’attires par ce que tu es. Bref, que maman ou l’autre en face est normal. Observer l’autre, c’est accepter l’idée qu’il soit systémique. Décompensatoire. Et c’est une idée qui peut être douloureuse, surtout quand c’est maman. L’enfant ne supporte pas que l’autre soit déficient dans l’amour. Il préfère penser que c’est lui qui défaille qu’imaginer que maman n’est pas dans l’amour inconditionnel. Le problème, c’est que l’amour inconditionnel, c’est pas maman, c’est Dieu, et comme on est dans une société dé-reliée de Dieu, ça met d’autant plus de pression sur maman… mais bref.
Remettons un peu de distance à ce moment là, et rappelons nous que finalement, nos parents ne sont que des humains comme nous, parents ici, grande soeur, cousin ou pire ennemi dans une autre vie, et que tout ce cirque/film de l’expérience n’empêche pas le fond, la base, qui est l’amour. Quand on se retrouve dans les coulisses là-haut, on s’aime beaucoup, y a pas de problème.
Puis, quand tu observes l’autre dans le système dans lequel il est pour décharger, pour ne pas être confronté à sa propre souffrance, à sa propre illusion, comment il tient tant à « te faire sentir que », il est possible que tu ressentes de la compassion. Si c’est le cas, ok. Si c’est pas le cas, ok aussi. En même temps, un truc en toi va peut être dire : « ça va aller merci, garde ton film et fais en ce que tu veux, mais sans moi ».
C’est Je suis.
Il y a des gens qui sont beaucoup dans Je suis spontanément. Ils ne sont pas hypersensibles. Rarement. Ils protègent le socle dans le ventre, et faut pas les faire ch***. Ceux-là peuvent être coupés de la vulnérabilité, de la sensibilité, donc de la magie, de Dieu. Chacun sa croix.
Quand Je suis s’exprime (pour un hypersensible qui reprend le pouvoir, sinon c’est plus flinguant), il s’exprime très peu, car son énergie est son vecteur d’expression. Il passe du corps à l’autre corps. L’autre sent tout de suite quand on est dans Je suis. Le premier signe est que notre regard va dans les yeux de l’autre profondément. C’est déstabilisant pour l’autre. L’autre signe est que Je suis n’a pas peur du silence. Au contraire. Je suis aime sentir le silence et l’énergie, parfois un peu douloureuse, circuler dans les deux corps. Il s’attarde à ressentir l’inconfort à travers ce silence et à faire circuler cette énergie un peu désagréable. Le silence est confrontant pour le mental. Car le mental a besoin d’une cible qui réagit. Qui se justifie. Qui explique. Qui se morfond. Qui donne sa confiance. Qui ne voit pas son jeu. Le mental systémique sait quand il est vu. Il le sent. Il peut basculer alors du tout au tout. Il peut s’effondrer d’un coup. Le regard qui dit « je te vois » et le silence observateur le renvoient à sa folie. A sa faiblesse. Bref, il tangue.
Les personnes très systémiques sont souvent très affaiblies. Leur mental compense beaucoup parce qu’elles ont très peur d’être épinglées, jugées, disqualifiées. C’est ce qu’elles ont vécu dans l’enfance et elles ont été ainsi coupées de leur puissance. Donc pour leur mental compensateur, la meilleure défense est l’attaque. C’est de bonne guerre, mais nous ne sommes pas là pour donner du grain à moudre au mental compensatoire de l’autre. Derrière il y a un être qui est coincé avec ce mental, ce qui l’empêche de faire les expériences et surtout derrière, de jouir de la vie. Donc c’est pas marrant non plus pour l’autre. Envoyer le mental de l’autre dans les cordes participe à sa libération. C’est une nécessité et c’est aussi une aide. Et évidemment, envoyer le mental de l’autre dans ses cordes n’a rien à voir avec décharger en mode compensatoire sur l’autre. Il faut que tu sentes bien la différence, sinon tu vas t’interdire Je suis 🙂
Ensuite, Je suis s’exprime. Il est souvent ferme, succinct, les mots sont simples. Ils remettent l’autre dans ce qu’il est : une personne, un enfant en panique qui mord avant d’être mordu. Ca peut dire : « si tu ne veux pas ça, je t’invite à me le dire ». « Si tu as une demande, je t’invite à la faire ». « Si ma vie ne te convient pas, je t’invite à regarder la tienne – ou à t’occuper de la tienne « , « etc. Ca peut être poli, mais aussi sec et expéditif. Ce n’était pas insultant. C’est calme. Ancré. C’est les yeux posés dans les yeux de l’autre. Et si ça défaille, c’est ok, Je suis s’installe progressivement en nous de toute façon.
Pour arriver à cette soudaine prise de pouvoir de Je suis, presque malgré soi, nous pouvons avoir une longue phase de processus avant. De brûlage de karma et de pratique de l’Être. Ca vient un jour ici, puis là. Ca fait son chemin en fonction de ce que l’on crâme. Donc l’expérience vient quand elle est prête à être vécue. Elle ne doit pas être forcée. La seule chose importante est d’accepter l’expérience, quelle qu’elle soit.
Dernière chose : souvent l’hypersensible s’interdit de réagir pour ne pas créer de la tension ou du conflit. Mais Je ne suis ne créé pas ça. Je suis ne rentre pas dans une bataille. Il n’y a pas à être en colère, ou sec, ou à envoyer l’autre dans ses cordes. Ce n’est pas un concours d’autorité, d’égo, de couilles. C’est Je suis qui dit non. La réaction de l’autre n’a donc aucune importance dans un sens. Tu laisses Je suis faire l’expérience de Je suis. C’est tout.
Etrangement, quand on sort de l’échange, même si l’autre a continué son cirque, rien compris, continué à conseiller, se plaindre, nous faire sentir que, ou même si notre Je suis s’est carapaté en cours pour laisser la place au personnage qui encaisse et se sent noué, les quelques secondes d’observation vécues nous ramènent toute notre dignité et la satisfaction du chemin qui s’engage vers soi.
Donc oui, Je suis est un (put***) de kiffe.