Encore un article sur l’abondance. J’y reviens pour un texte sur deux expériences clients.
Il y a quelques temps, dans un échange informel avec une amie cliente qui tourne autour du décarapaçage et de la difficulté de contourner le mental, je lui propose de venir travailler avec moi sur le dialogue avec les parts mentales inconscientes, un outil puissant qui vient d’Issa Padovani.
Je propose cette séance à d’autres personnes dans mon petit réseau de clientes dont elle fait partie. La participation est libre comme d’habitude. C. est seule sur la date fixée, rapidement. Nous faisons l’atelier toutes les deux, il est puissant, émotionnel, libératoire. Je suis contente, d’autant qu’elle a le mental très résistant (ce qui explique qu’elle n’actionne pas d’accompagnement)
À la fin de la séance, quand je pars, C. ne me propose pas de participation comme prévu. Dans ce vide étrange au moment du départ, je ressens un malaise. Puis je pars.
Quelques heures après, vient une colère. Comme si elle refusait de payer alors qu’elle avait bénéficié. Je ne me l’explique pas sur le coup car ma raison me fait trouver d’autres explications : C. a pu oublier, mal comprendre, etc.
Je sais cependant que mon corps et mon inconscient captent plus vite que moi ce qui se joue, bien avant mon conscient. Je le sais, mais cette colère, forte, me paraît bien décalée. En tout cas, elle parle de moi.
Je laisse un peu de temps passé puis nous reprenons contact par message. Je lui dis avoir été peinée qu’elle n’ait pas eu envie de verser une participation, surtout au vu de l’intensité de la séance. Elle me dit ignorer que c’était une séance de travail avec participation. Dont acte. J’en conclus que j’ai manqué de précision.
Plus tard nous nous revoyons, pour un déjeuner, pour éclairer aussi, et nous en reparlons. Après des échanges assez enquêteurs sur ce que nous avons vécu dans cette expérience, elle finit par me dire que si elle avait su que c’était avec participation, elle n’aurait pas réalisé cet atelier. Par principe, parce que l’argent salit tout et qu’elle aspire à un monde plus aimant.
Lors que cette phrase est sortie, je suis restée scotchée. D’autant plus que dans la même discussion, elle venait de me dire qu’elle avait pris dans quelques jours une séance à 100 € avec une collègue que je lui ai présentée. Une part de moi le prend sur le coup très personnellement. Je sens le point sensible. Celle dont on prend l’énergie mais qu’on ne rémunère pas, ou qu’on ne reconnaît pas. Douloureux. Bien sûr, ce n’est que le reflet d’une part intérieure en moi qui créé cette situation et me traite exactement comme je me sens traitée présentement. D’ailleurs la preuve, la sensation est récurrente !
Je reviens sur la colère ressentie. Il y avait là une question de principe pour C. à ne pas me donner de contribution. Inconsciente bien sûr, jusqu’à ce qu’elle le révèle au détour de la conversation. C. avait très envie de faire cette séance. Elle y mettait de l’espoir, d’autant plus qu’elle n’arrivait pas à débloquer depuis longtemps. Mais pour une question de principe, de valeur, son inconscient a adapté la réalité. Malgré les indices dans l’autre sens, il voulait que ce soit offert. Il voulait un acte de solidarité, d’amour peut être. Il me demandait de compenser un manque. Et c’est ce que j’ai fait.
Il y avait cette couleur de compagnonnage, dans lequel Marie l’autre thérapeute ne s’installait pas du tout. Elle fixe des tarifs plutôt hauts et les gens prennent, ou non. Ils prennent leur responsabilité. Souvent ils prennent. J’étais à cette époque dans une sorte de fantasme communautaire de compagnonnage à plusieurs où nous pourrions progresser ensemble. J’accompagnais C. de façon informelle. Elle ne voulait pas me payer pour ça. Ce n’était pas un hasard. Bien sûr, je n’en prenais pas acte, j’étais dans mon fantasme.
Mais pour accéder à des libérations, nous avons besoin de nous confronter à notre mental, de le regarder dans toutes ses facettes. Puisque c’est lui qui bloque la guérison. Le regard permet de s’en dissocier, et de laisser l’énergie circuler. Cette posture est dure. Elle nécessite un engagement avec soi, un ras le bol qu’on ne rencontre pas facilement. Elle nécessite de vouloir la vérité plus que tout, plus que le château de cartes d’illusions que nous nous sommes construits progressivement pour nous préserver. Ou nous poser en victime. Selon la taille du château, c’est pas gagné !
Ne pas payer à cet endroit, c’est une façon de maitriser. Pouvoir retirer ses billes à tout moment pour revenir dans la carapace. C’est hyper compréhensible. Le massage avec Marie était moins confrontant. Tout comme les stages de yoga, de tantra, et tout ce qui passe par le corps ou l’énergétique sans passer par le mental, la conscience.
Mais le corps et le cœur ont été ignorés et maltraités suffisamment longtemps pour nous offrir une guérison en maîtrisant. Et puis, c’est impossible. Essentiellement parce que c’est la maitrise mentale qui empêche notre guérison. D’où toutes les méthodes pour générer des états modifiés de conscience : chamanisme, hypnose, massage, tantra, psychotropes, etc.
Je m’étais illusionnée, et je me suis beaucoup illusionnée pendant ces années d’accompagnement sur l’hypersensibilité. Je pensais que les choses étaient liées à moi. C’est en réalité qu’il y a des priorités intérieures en chacun, elles sont plus ou moins inconscientes, et on ne peut rien y faire. Quand ça ne veut pas, l’informel ne changera rien, au contraire. Et quand ça veut, tout fonctionnera.
Bref, je reviens sur cette réflexion sur l’abondance.
J’ai déjà vécu ce type de situation moi-même : oublier de payer, ou ne pas avoir compris que c’était payant. Sur le coup, je suis de bonne foi. Mais si je m’assois un moment avec moi-même, je peux observer qu’une part en moi souhaitait que ça ne soit pas payant. Pour moi c’était des raisons beaucoup plus prosaïques, je n’avais pas d’argent et je voulais faire ce truc.
Chez elle, l’aspiration à un monde meilleur et le détachement par rapport à la matérialité.
Mais jouons-nous clairement avec l’autre ? Quand je décide de faire un atelier et que je pars du principe qu’il est gratuit alors qu’il ne l’est pas, quelle que soit mes bonnes raisons, j’embarque l’autre dans ma résistance. Malgré lui.
Marie ne subit pas. Le prix est clair, et C. choisit de faire cette séance pour ce prix. Chez moi, ça mélange amour, solidarité et participation, quelque chose n’est pas clair et ouvre la porte. Cette porte n’avait jamais été franchie jusqu’à présent, mais je n’avais jamais fait autant d’informel avec quelqu’un.
Accepter ce que l’on veut changer
Dans cette résistance de l’inconscient, il y a une non-acceptation. Ce monde est trop matérialiste ? C. refuse sa matérialité. Elle prend ce qu’il donne mais résiste à mettre la main au porte-monnaie car elle n’est pas d’accord. Nous pourrions lui dire, nous pourrions nous dire : alors sors du système et ne viens pas consommer ! Mais ce n’est pas le choix fait. Pour faire un choix, il faut d’abord accepter.
Pour faire un choix, pour prendre sa responsabilité, il faut sans doute d’abord accepter. On ne peut changer que ce que l’on accepte. J’ai lu cette phrase dans un livre dont je ne me rappelle plus. Elle m’a marquée. Et c’est vrai.
C. accepte t-elle la matérialité du monde pour travailler à ce que cela change ? Où est-elle juste en réaction, pour une raison émotionnelle non digérée, non conscientisée, et je suis l’objet de sa réaction ?
Je suis l’objet de sa réaction.
La réaction n’est pas constructrice. On le sent, intuitivement. Pourtant on comprend la colère, la souffrance. Mais oui, il est impossible de changer ce que l’on n’accepte pas d’abord. Car toute énergie de colère ne fera qu’alimenter ce que l’on déteste. C’est con, mais oui, Ghandi n’a pas bouté les anglais par la colère. Il les a traités en partenaires. La haine appelle la haine, c’est satisfaisant dans l’instant, mais il semble que ce soit la considération de l’ennemi qui soit le plus productif dans la durée.
La question est : que voulons-nous ? Faire diversion à notre souffrance de ce qui est par une colère indignée, victime et chevalier justicier ? Ou changer ce qui est ?
Dans le 1er cas nous exigeons justice par principe. Et cela ne nous fera rien obtenir. Juste éviter de nous confronter par trop à la tristesse et au sentiment d’impuissance que notre mental enregistre immanquablement. Ou, dans le 2ème cas, accepter, ressentir la tristesse de la situation, peut être comment cela nous brise le coeur, une bonne fois pour toute, et puis, ne plus exiger justice ou réparation immédiate. Puis éventuellement, oeuvrer.
Faire le choix de l’acceptation, c’est douloureux, soit, mais une fois que c’est fait, c’est fait. On ne sait pas si on verra le résultat de notre vivant, mais dans ce renoncement au changement immédiat et colérique, dans la reconnaissance de la situation, en traitant les anglais, la matérialité, Macron, les institutions, l’école, les autres comme des partenaires respectables de négociation, on obtient ce que l’on investit. Un partenaire de négociation. Et donc un changement.
La douleur qui résiste
Que dit-elle cette part en nous qui rechigne à donner de l’argent ? Elle a sans doute plein de raisons émouvantes pour expliquer sa résistance : parce qu’elle n’est pas contente de la vie, parce qu’elle se sent dans le manque et trouve ça injuste, parce que tout est matériel et tout manque d’amour.
Quand le mental se saisit de l’affaire, quand il exige que ce qui est soit autrement, quand il s’attache à cette colère et la convertit en obsession de l’injustice, il se manifeste alors par des actes manqués. Car il faut bien concilier les deux puisqu’on ne veut pas renoncer aux avantages.
Alors on se raconte des histoires. Notre inconscient résiste. Et le conscient fait comme il peut pour concilier l’inconciliable.
Qu’on prenne l’avion pour partir en vacances alors que l’état de la planète nous met en colère, qu’on critique les banquiers alors que notre épargne est pleine à craquer en actions ou obligations, qu’on tienne absolument à faire ce stage ou cet atelier alors qu’une part en nous voudrait qu’il soit offert, nous tentons de concilier l’inconciliable.
Et c’est l’autre, s’il est bonne pomme, qui subira ce choix qu’on se refuse à faire.
Le retard est un autre exemple. On retrouve un peu de liberté et de pouvoir en faisant attendre quelqu’un. C’est inconscient. Mais il y a un pompage d’énergie. De bon aloi pour certains d’entre nous. Moins pour d’autres.
Comme d’habitude, la question n’est pas tant celui qui est piloté par ses parts inconscientes que celui qui est en face. Va t-il les subir ou va t-il dire non ?
Avant j’aurais ressenti un malaise puis une grande tristesse de non-reconnaissance. J’aurais décuplé mes efforts pour prouver ma valeur et donner envie de me rétribuer, avec un sentiment de désespoir latent en arrière plan. Et j’aurais mis beaucoup, beaucoup de temps à m’en remettre. Jusqu’à la prochaine expérience.
Ce Je suis qui émerge depuis quelques temps a changé ma perception. J’ai senti de la colère et non de la tristesse, ce qui est nouveau. J’ai ressenti ce qui aurait été juste. J’ai vue que j’étais mise au pied du mur pour quelque chose qui ne m’appartenait pas, d’où la colère, même si je n’ai pas comprise de suite. Bref, j’ai réagi comme une personne qui se respecte. Et dans ce genre d’expérience, c’est assez miraculeux. Mais enfin bon, il faut bien qu’on progresse à force d’y travailler…
La non-voie de la compensation
Il est beau ceci dit le fondement de cette résistance de C.. Je veux un monde idéal où tout le monde s’aime et où il n’y a pas besoin de payer pour obtenir de l’attention ou de la guérison. Je n’exige en rien ça de ta collègue thérapeute, mais comme nous sommes amies, de toi, oui. Je voudrais que tu me donnes. Je veux qui tu m’offres. Que tu me dises que je le vaux. Que tu m’aimes et que tu me le prouves.
Et puis il est moche aussi. Parce qu’on me force à compenser ce qui a manqué avant (amour, attention, reconnaissance, etc) sans me demander mon accord.
Le premier et principal inconvénient de la recherche de compensation « sauvage », c’est qu’elle ne permet pas de boucle. En ne laissant pas à l’autre son libre arbitre, la possibilité de choisir, elle ne permet pas d’installer une boucle d’énergie qui nourrit les deux parties. Si C. m’avait dit : pour des raisons personnelles, j’aimerais ne pas payer cet atelier, j’aimerais que tu me l’offres, est-ce possible ? Si j’avais dit oui, nous aurions été nourries toutes les deux. Le fait de le faire de façon sauvage, sans l’accord de l’autre, revient à lui pomper son énergie malgré lui.
Comme si cette énergie allait combler le gouffre de la blessure. Comme si cette énergie était la juste rétribution de ce que la vie a refusé d’offrir. En vérité c’est une bien maigre compensation. Satisfaisant dans l’instant, mais qui ne résout rien.
Aucune blessure n’est guérissable par la compensation. Tout comme on ne peut changer que ce que l’on accepte, la compensation nous pourrit nos relations aux autres sans rien guérir de notre intérieur. Nous pompons ce dont nous avons manqué, mais comme la coke, cela ne nous apportera jamais une satisfaction pleine. Car il n’y a pas de guérison dans la compensation.
Il y a guérison dans la reconnaissance du manque, la compassion pour soi, la libération de l’énergie émotionnelle, et le pardon.
La compensation est productive à court-terme. On le voit dans les couples. Aime-moi, je t’aime, je ne t’aime plus, tu me détruis. Elle nous permet de récupérer un peu de pouvoir ici, d’amour là, de reconnaissance là-bas. On a des attentes sur l’autre et les situations. Mais elle finit toujours mal à long terme. Elle ne guérit rien. Aime moi et si tu ne m’aimes pas assez, tu m’abandonnes, je suis donc à nouveau victime. Reconnais moi dans ma grandiosité et si tu ne le fais pas, c’est que tu la dénies ou refuse de la reconnaitre, je suis encore victime des autres. Offre moi ton énergie et ton attention gratuitement pour me prouver que ce monde peut être aimant et pas seulement menaçant.
Je pense à ces enfants ou jeunes adultes starisés, recevant toute l’attention et l’admiration dont ils ont manqués avant, comme la plupart d’entre nous sans doute, compensation +++ comme dirait ma nièce, puis arrêt de la compensation. Alors drogue, suicide. Mathématiquement. Le héros de Harry Potter. Le héros de Maman j’ai raté l’avion… C’est con mais c’est ça. La compensation annonce des jours périlleux.
Pour revenir sur cette résistance à payer, j’y vois la marque d’une compensation contre l’injustice de la vie. Particulièrement. Un acte d’arrachement de l’abondance sans l’accord de l’autre.
J’ai en tête plusieurs cas me concernant où j’ai pu être dans l’une ou l’autre des positions (selon mon état émotionnel en fait).
Une fois avec une chamane. Le coût du stage était de 290 € et après de multiples galères financières, je me suis retrouvée à retirer 240 € au lieu des 290 €. Puis j’ai proposé à A. de lui virer les 50 € manquant par virement après le stage. Sur le papier, c’était ok. J’ai versé l’argent manquant 3 jours après. Mais, j’étais en compensation de ma position de victime de l’abondance. Mon découvert était malmené, mon banquier fatigué de moi (quoique sexy), j’étais tellement dans ma misère financière que quand j’ai pu enfin retirer l’argent (par une sorte de miracle sans aucune marge), j’ai résisté. Il m’a été impossible de retirer 290 €. Il fallait que je retire moins et que je donne le reste après.
La chamane est devenu l’instrument de ma compensation. Sans lui demander son avis. Je l’ai donc utilisée. Inconsciemment bien sûr. Mais je lui ai fait subir la part « malade » qui tient absolument à compenser plutôt que guérir.
Elle l’a senti. Je n’ai pas compris sa colère sur le coup parce que je me sentais honnête et de bonne foi. Mais elle avait senti l’abus de compensation. Ca aurait été 1 € que l’abus aurait été identique. Il n’était pas dans la somme. Ce n’était pas une question d’argent. C’était une question d’être utilisé(e) comme objet de compensation. Pour le coup, c’était une question de principe et elle avait bien raison.
A contrario, quand la chose est assumée et que l’autre n’est pas mis au pied du mur, quand on veut un monde meilleur où les prix sont proposés en fonction des ressources mais où on ne procéde que par invitation, respect du libre-arbitre, ça roule. Et ça marche.
Il y a de ça quand je demande des prix en conscience sur des ateliers ou stage. Je le fais vers les personnes que j’aide. Et je le propose aux personnes que je sollicite. En général, ça marche. Et ça se passe toujours bien. Nous sommes gagnant / gagnant. Moi parce que j’ai un prix et que j’ai été prise en compte dans ma singularité. L’autre parce que je viens et que je suis souvent très impliquée.
Est-ce systémique ? Non. La demande est claire. Il y a eu proposition. L’autre peut accepter ou non.
Je n’ai pas d’émotions lors de la démande. La blessure a transmuté. Elle est passée de « Injustice de la vie, misère » à « détendons-nous, c’est cool ». Je n’ai donc pas d’attentes. Je ne le prends pas comme un nouvel affront de la vie si on me répond non.
Comme toujours, c’est quand il y a refoulement de la colère, de nos parts intérieures, que la distorsion se produit. Sors l’énergie de la colère face à la vie, à l’injustice du manque, pleure tout ton soul, et ensuite, prends ta responsabilité.