J’ai suivi une formation sur la kundalini* en août. Moi qui croyais en avoir compris l’essentiel, parce qu’elle m’habitait déjà depuis un moment, j’ai réalisé que je n’en avais pas saisi la substantifique mission. Ni la force guérisseuse.
* Pour ceux qui ne connaissent pas encore bien : la kundalini est cette énergie vitale dans notre bassin qui alimente nos élans, désirs, émotions, et notre conscience (difficilement car elle lutte contre le mental). Ses capacités dépassent largement cette part déjà très satisfaisante (quand on la vit pleinement), car elle peut nous emmener dans une voie de guérison et de connexion sans limites. Mais, cette part là est plus ou moins endormie. La réveiller peut être une idée… Pour la réveiller et la laisser se déployer en nous, chaque civilisation a développé ses pratiques (yogiques, tantriques, bouddhiques, chamaniques, druidiques peut être), et la plupart des sages y dédient leurs vies. Pas la civilisation occidentale moderne qui s’est plutôt attachée à l’éteindre (par peur de son animalité peut être…), mais c’est une autre histoire !!
Dans les jours qui ont suivi cette formation, j’ai réalisé que la kundalini était le point d’ancrage autour duquel je tournais depuis 5 ans d’accompagnement sur le processus de libération et depuis 50 ans sans doute sur mon propre plan personnel. Sans le savoir. Pourtant je dessinais le symbole de la kundalini depuis l’enfance de façon assez obsessionnelle. Pourtant toutes mes actions, mes pratiques, mes idées d’accompagnement depuis 5 ans tournaient autour… Mais je l’ignorais. Et j’avais zappé l’essentiel. C’est elle la force de guérison…
Le bouleversement
J’ai compris que la kundalini n’est pas qu’une énergie qui nous traverse et libère la conscience. Elle anime notre processus entier. Simplement.
C’est elle qui libère les émotions, les blessures, c’est elle qui nous connecte à la part puissante en nous, c’est elle qui veut nous emmener à la rencontre de notre vraie nature, et c’est elle qui nous aide à nous relier à plus grand. Bref, c’est elle qui fait le boulot !
La force guérisseuse n’est pas extérieur à nous mais en nous. Nous pouvons l’activer à chaque minute. Cela me renvoie au mantra d’ouverture du yoga kundalini : ong namo guru dev namo (le guru est en nous). Oui bien sûr, le guru est en nous… Oui, mais il est actif ! Il est opérant. Il pousse. On le sent, en fait.
Dans cette découverte, j’ai compris aussi que je n’étais que facilitatrice de cette force guérisseuse et, j’avoue, cette idée m’a soulagée. Parce qu’elle m’enlève une responsabilité que j’avais tendance à prendre et qui me mettait la pression. Et qu’elle m’enlève des attentes sans doute pressurisantes pour les autres. Elle remet en fait la question de notre propre responsabilité au coeur du processus : je la suis ou je la fuis ? Je la laisse faire ou j »y résiste ?
Sa mission et les résistances
La Kundalini n’est pas compliquée, elle a une mission, et elle essaye de nous y emmener. Outre le fait que sa mission repose sur une ambition bien plus grande que la notre (nous cherchons l’arrêt de la souffrance, elle nous propose la béatitude), elle déploie une force desarçonnante pour accomplir sa mission. Et subtile en même temps. Presque fragile. Parce que pour beaucoup, elle est éteinte sous un fatras de contrôle et de résistance mentale. Et puis pour d’autres, elle pousse et le mental n’arrive pas à la refouler (oui, les hypersensibles :-).
Cette puissance, certaines personnes la cherchent toute leur vie par des pratiques et des stages énergétiques infinis (yoga, tantra, etc) sans jamais la trouver.
Pourtant, elle est déjà là. Elle nous travaille déjà. Dans les yeux des gens qui vident leur compte en banque pour la sentir, elle est déjà là. Mais sous forme de peur. Dans la fébrilité qui nous rend compulsif. Sur la clope, l’alcool, le cannabis, et autre. Elle nous travaille. Et notre mental lui dit non. Au lieu de s’attaquer au mental (et déconstruire), on va souvent (si tant est que l’on fasse quelque chose) aller la chercher dans le corps, dans la circulation d’énergie (plutôt agréable).
Parfois alors elle vient. Et parfois elle ne vient jamais. Malgré toute la motivation et l’argent investi (je l’ai beaucoup vu sur des stages de tantra). Parce que le corps ne suffit pas.
Elle est là. Mais ce n’est pas la puissante vague extatique attendue. Elle est là dans l’attaque de panique, l’angoisse, la montée d’émotion incontrôlable, le désespoir, l’envie de mourir, la fébrilité qu’on cherche à tout prix à vaincre. Elle est là. Même dans notre mental, elle est là. Car quand elle ne peut pas passer par la voie de guérison, elle l’alimente. Et ça le rend fou !
Quand elle tape dans notre envie de vivre, dans nos émotions, sans pouvoir aller au bout, on ne se dit pas : youpi, génial, allons-y kundalini ! On souffre. Et on panique. On veut aller mieux tout de suite. On veut enlever la souffrance. Et c’est bien normal. Gwenn, débarrasse moi de cette souffrance ! Oui mais veux-tu savoir ce que dit la kundalini ? Parfois, on oublie le but. Non, ça ne m’arrange pas, débarrasse moi juste de la souffrance.
D’autres personnes ne la cherchent pas et la trouvent sur leur chemin, au détour d’un accident de vie, d’un orgasme (Margot Annand), d’un deuil (Corinne Sombrun), d’une maladie, toute chose qui met le mental soudainement en berne. Si on ne comprend pas ce qui se passe, si les manifestations de cette énergie paraissent désagréables, on y résiste. C’est ce que font les hypersensibles. Si sa manifestation est extatique, on devient au contraire obsédé par sa reproduction (Margot Annand encore). Si sa manifestation nous ouvre des portes de conscience ou de libération, on devient tout autant obsédé par son installation pérenne. Comme moi avec mon mantra, ou Caroline qui après une montée (pas confortable mais puissante) soudaine sur un stage de tantra, l’a cherchée indéfiniment pendant 2 ans sans la retrouver.
Bref, elle ne peut laisser indifférent…
Le mental a peur de lâcher
Puisque la kundalini fait le job, nous n’avons donc qu’à nous occuper des forces de résistances : le mental, le corps. Et puis évidemment lui faire allégeance, carte blanche… (ou pas).
Oui mais ce n’est pas facile de lui laisser carte blanche. Bien sûr, quand elle est déjà là, résister génère de l’angoisses, du mal-être, une vie pas raccord, et parfois beaucoup plus, à finir alcoolique ou à l’HP. Mais la laisser faire, s’abandonner, c’est ne pas maitriser. C’est ouvrir la porte à une part sauvage en nous que nous ne pouvons pas contrôler.
Notre mental, pour une grande part inconscient, résiste à l’idée (même quand on a l’habitude de perdre le contrôle avec des substances). Même si nous avons la volonté d’y aller. C’est souvent rageant, pour les personnes qui cherchent à l’éveiller ou à la ressentir, ou simplement à la laisser nous inspirer, nous guider, de voir notre mental se mettre entre nous.
J’observe mon mental. Il est habitué à mettre son nez partout. Sauf conditions corporelles intenses (une journée à couper du bois, une séance de yoga K de ouf, un breathwok intense, et quelques petites choses délicieuses comme ça) ou le cadre magique de la séance (quand il ne s’agit pas de moi, il s’efface sans moufter), il fait du zèle. Chez moi, il squizze les visions quand elles viennent, il veut soutenir ce qui vient, aider. Ce faisant, il gâche. Je lui dis : « mais put*** lâche ». Mais il ne peut s’empêcher d’être là. Il ne peut pas faire autrement. Si mon corps a semble t-il réussi à s’en libérer (pour partie), quand il s’agit du mental, de lâcher prise là haut, alors là… Et pourtant, au même moment où j’écris ses mots, j’ai de la compassion pour lui… Il n’est pas venu par hasard, il a été obligé, pour m’aider à survivre, et maintenant je lui demande de dégager. Ca mérite un peu de subtilité de ma part !
On peut s’interroger sur ce qui lui fait prendre tant d’espace en nous. Pourquoi est-il si présent ? De quoi a t-il si peur qu’il prend les commandes dès que l’énergie vibrante pointe le bout de son nez ? Alors qu’il sait, que je sais, qu’il ne fera pas mieux que mon énergie vitale intérieure, et même rien du tout puisqu’il ne véhicule aucune énergie (il a d’autres talents, mais pas celui là). Pourquoi, même quand il veut la laisser faire, il ne peut s’empêcher de vouloir garder les rênes, malgré lui, comme un parent qui ne pourrait pas s’empêcher de faire à la place de son gamin ?
Et pourtant, bon dieu que c’est bon quand il n’est plus là…
C’est un sujet passionnant, le mental.
La mise en sens de mon processus
Cette découverte m’a aussi donnée du sens et de la confiance. C’est une sensation agréable de se sentir accompagnée…
– du sens de savoir qu’une force cosmique (mais oui !) est à l’œuvre en moi, et qu’elle ne me veut que du bien,
– du sens à mes contractions, points de rencontre de la kundalini qui veut déconstruire avec le mental qui résiste (est-il besoin de le préciser)
– du sens de pouvoir m’en remettre à elle, de lui faire confiance
– du sens aussi de la sentir vibratoirement dans mon corps, à défaut de toujours bien la sentir dans ma tête 🙂
Je me sens guidée. A défaut d’entendre mes guides là-haut, je sens ma kundalini dans mon corps, c’est bien aussi (même si ça manque de mots parfois!!) 🙂
Créer l’espace pour la force guérisseuse
La force guérisseuse, ce n’est pas seulement la montée des émotions en nous : je pleure, je me mets en colère, je sens la honte, et ça circule, ça se libère… Avec la présence, la mienne ou celle de l’autre.
La force guérisseuse, c’est un vague qui emporte notre corps et libère dans un tonnerre de sensations d’énergie et d’expression. De façon animale, intense et incontrôlable.
De gros chagrins d’âme. Des rages ignorées. Des blessures profondes. Une colère jusque là ignorée (et pour un hypersensible, libérer de la colère, c’est reprendre le pouvoir, il y a toujours un avant et un après…).
Elle a besoin d’un espace, cette force guérisseuse, pour se déployer. La musique, la respiration, des pratiques, des plantes… Elle a aussi besoin d’une disponibilité corporelle, émotionnelle et mentale. Ca peut venir comme ne pas venir. Mais ça se travaille de toute façon. C’est aléatoire, variable selon les personnes, mais il y a là une quête possible. Et quand il y a quête, il y a de l’espoir 🙂
Quand la force guérisseuse est réveillée, quand elle rencontre un espace à sa disposition, progressivement nous pouvons devenir autonome dans notre guérison. Pas complètement parce que notre mental prendra le dessus parfois, quand il est trop confronté (et on pourra alors chercher de l’aide), mais presque.
La vague vient alors à volonté. Elle emporte tout. Elle a juste besoin qu’on lui soit dédié sur un temps.
Accessoirement, derrière la force guérisseuse, il y a aussi des états extatiques : une incroyable détente corporelle, la sensation de cœur ouvert, d’énergie circulante de bas en haut, parfois l’impression de se fondre dans le cosmos… Je ne dis pas qu’on atteint ça d’emblée, mais c’est là, en tout cas, au détour du chemin, sur la route.
Et puis, on a aussi sur ce chemin le cadeau de la résonance des kundalinis. Quand les kundalinis entrent en résonnance, quand il y a un espace qui s’ouvre pour ça, une boucle d’énergie se créé entre deux personnes. Soudain, on a l’impression d’être traversés d’un flux d’énergie de bas en haut, le corps se dissout, la lumière nous éclabousse… C’est assez mystérieux, mais c’est ainsi. Et ce qui est terrible, c’est que ça peut arriver avec n’importe qui. C’est comme faire de la musique, on peut ne pas avoir d’atomes crochus avec un musicien, et que ça matche musicalement. Que voulez-vous, l’énergie est plus forte… et derrière, nos âmes.
Le mythe de la libération définitive et le cloud
On pourrait croire que parce qu’elle monte en nous, pleinement et parfois avec plein de supers effets, elle a tout débloqué, on est libéré. Hop, c’est l’éveil.
Ca ne marche pas comme ça. Un coup, elle passe et c’est l’extase. Le lendemain elle s’attaque à du lourd, et c’est alors tout un bins pour la laisser passer, pour casser la résistance. Mais comment est-ce possible que d’un coup, ça passe, l’autre coup, ça passe plus ?
C’est parce que nous avons comme un cloud d’énergies, de karma, quelque part. Ce n’est pas dans le corps directement, mais c’est là, en attente d’être nettoyé. Aujourd’hui l’énergie circule, demain le cloud réinjecte en nous pour libérer à nouveau. On croit être débarrassé, et ça recommence quelques jours, quelques semaines, quelques mois après. C’est normal. Rageant peut-être. Mais normal.
A mesure que l’on nettoie, même si ça ne s’arrête jamais, il y a quand même quelque chose de notable : on se rapproche de cette sensation vibratoire, de conscience, d’affranchissement, de liberté. De soi quoi. Pourquoi pas jouer le cloud ? Le bénéfice met un temps…
L’aider à faire son taf
La suivre c’est quoi ? C’est l’aider à faire son travail je crois.
Préparer le terrain du corps pour que l’énergie circule, et déminer le mental, l’aider à lâcher prise. Puis laisser la magie libératoire se faire, comme ça vient en tout cas. Parfois l’inviter.
Créer des espaces ou le mental s’éclipse, ce qui nous met en flow, dans le vide mental (bricolage, méditation, tantra, ASMR, auto-hypnose, danse, dessin, chamanisme, soins énergétiques, etc).
Déminer le mental : lui permettre de relâcher consciemment sa protection automatique, sa résistance (puisqu’il est là pour ça depuis l’enfance : nous intégrer, nous adapter, nous faire survivre) en le rassurant, en lui donnant de la vérité. C’est ce que l’on travaille en séance thérapeutique, en hypnose, coaching, parfois avec un livre ou un youtubeur qui nous bouleverse. C’est la conscience qui vient travailler le mental ..
Aider l’énergie à circuler (à nouveau) dans le corps : le yoga kundalini est le meilleur exemple, mais il y en a d’autres : les respirations, le Tai chi, le Qi Qong, la danse, le yoga.
Et puis il y a aussi celles qui invitent directement la kundalini à se manifester : tantra, chamanisme, Hunkaar. La manifestation n’aura lieu que si le terrain du corps et du mental a été un peu travaillé. Mais l’effet est alors saisissant et vibratoire.
Puis c’est créer l’espace sécurisé qui permettra à la vague guérisseuse de libérer ce qu’il y a à libérer. Si on veut rencontrer la vague… : l’ayahuasca, la respiration holotropique, le rebirth, ou, pour ceux qui peuvent, se poser dans son canapé et laisser faire.
La bonne nouvelle
La kundalini s’éveille de partout. Avant, il fallait (et encore) une vie de pratique dans un monastère tibétain ou un ashram indien pour l’éveiller. Maintenant, ça déboule de partout. Sans doute parce qu’il y a besoin. La nature est bien faite.
Mais, ce n’est pas le tout qu’elle s’éveille. Comment travaillons nous avec elle ? Qui est au service de qui ? Elle est au service de notre âme, mais pas de notre mental. Se met-on à son service en lui accordant pleine confiance ? Ou bien doucement, avec mesure, et pourquoi pas.
Le tout est d’être en conscience. Ne pas lui courir après pendant des années en pleurant parce qu’on ne la trouve pas, alors quelle est là, mais pas comme on voudrait…
Nous sommes tous différents. Je parle de la kundalini sur la base de mon expérience. Certaines personnes passent par des expériences et des interprétations bien différentes. Et chacun a son angle de vue. Et tout s’entend.
Je crois pour ma part que la kundalini est magique, mais notre résistance peut la rendre douloureuse. Que faut-il éteindre alors, la kundalini, ou la résistance ?
Régine Dégrémont dans son livre Merveilleuse kundalini en dresse un portrait heureux, après avoir accompagné pendant des années des personnes désespérées de pouvoir l’éveiller, ou désespérées de l’avoir éveillée. D’autres thérapeutes ou bloggeurs en dresseront un portrait alertant…
Pour ceux qu’elle démange, il me semble que le choix devient assez binaire. On cherche son expression ou on veut la filtrer. Dans le 1er cas, ça avance avec intensité. Dans le 2ème cas, c’est chaud. Parce que le filtrage mental, pour une force cosmique, c’est pas trop compatible…
Accepter la déconstruction, c’est le plus difficile. Et pourtant c’est là où elle nous emmène. C’est là où nous refusons les manifestations : les contractions, la réactivité émotionnelle, les allergies au monde, aux autres, les nons qui fulgurent en soi, la colère qui surprend, notre réactivité soudaine aux lieux, aux discours, aux matières, à la modernité qui nous deviennent insupportables un temps. L’allergie au système, à l’argent, au mental. L’allergie aux gens. L’intolérance au travail. La tristesse. La colère. Voir l’asile de fous et réaliser qu’on en fait partie. Envisager l’exigence intérieure et ne pas y croire. Entrevoir la résistance. Chopper nos injonctions. Voir notre mental, bref, voir la matrice en nous…
Et puis, se mettre à son service.
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