J’ai fait une diète chamanique cet été, en août. J’avais envie d’en partager l’expérience.
Parce qu’elle a été hyper productive. Même si le mot n’est pas très sexy.
Parce qu’elle m’a éclairée sur ma façon d’appréhender les choses dans le travail de libération.
Et finalement, parce qu’elle m’a aussi éclairée dans la façon dont j’ai envie d’offrir cet espace de libération aux autres…
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Première expérience il y a 4 ans
J’avais réalisé une première diète il y a 4 ans, quand j’étais encore insomniaque. Le jeûne m’avait épuisée, l’ayahuasca bouleversée. Les 10 jours d’isolement, je les avais donc passés à me traîner par terre, à observer le ciel, les insectes, et à recontacter des sensations de pleine vacuité que j’avais connues dans l’enfance, et dont mon hyperactivité adulte m’avait depuis longtemps éloignée. Ce temps disponible avait été confrontant. Quoi faire quand il n’y a rien à faire ? J’avais également eu quelques fulgurances d’écritures, de lecture avec la bible. Peu de libérations émotionnelles. Le point marquant avait été les messages de l’ayahuasca. L’un avait quand même fondé mon travail sur l’hypersensibilité pendant 3 ans. C’était pas petit.
Quand j’y suis revenue cette année, l’expérience a été nettement différente. Je ne veux pas trop aller dans le détail, mais je veux en ressortir ce qui m’a marquée.
Ce qui m’a marquée cette année
Le jeûne est une vraie expérience. La dissolution du mental, ou en tout cas son affaiblissement, génère forcément une rencontre avec soi. C’est exposant. On est faible. Sans énergie. On est face à soi.
La pleine nature et l’isolement, le temps disponible, l’absence totale de quoi que ce soit à faire, nous met aussi face à nous même. Il n’y a personne pour éponger nos émotions, faire diversion, papoter, pas de réseaux sociaux pour absorber notre attention, pas d’interaction pour nous nourrir de la présence (bien souvent compensatoire) des autres. Non, que nous. Et le temps s’étire, indéfiniment. Quoi faire d’autres, à part s’asseoir, regarder les montagnes. Et penser… Ressentir…
La plante diètée. Essentielle. Car elle apporte quelque chose de différent en soi. Plus d’accès, parfois de la conscience, une vulnérabilité, une force aussi. Selon la plante. Pour moi, l’Ajo Sacha m’a boostée comme un rail de coke. Je m’attendais à la vulnérabilité habituelle que l’on contacte quand on jeûne. L’ortie m’avait apporté de la clarté d’esprit il y a 4 ans après quelques jours. Ici, l’Ajo Sacha m’a boostée mentalement. Être isolée dans la nature avec le mental à 100 à l’heure… Que voulez-vous faire ? Il y avait de l’énergie à sortir. Ca m’a demandée beaucoup de concentration, de discipline pour passer du mental boosté au ressenti émotionnel.
Mais quand le lâchage a commencé… dame, il a fait son œuvre.
L’ayahuasca m’a fait moins forte impression. Mon mental ne lâchait pas. Il voulait tellement revivre ce qu’il avait connu 4 ans avant qu’il en faisait trop. Effrayée de rater les messages, en voulant le forcer, je l’ai fuit. Comme le sommeil 🙂 J’ai aussi entraperçu mon mental tel qu’il peut être. Omniprésent. Commentant tout. Insupportable, à vrai dire. Il m’a, sur le coup, dégoutée de lui. Je suis ressortie de la dernière cérémonie déprimée par ce mental araignée…
Ce que j’ai trouvé marquant, c’est que la « production » journalière de libération émotionnelle (donc de conscience) a été, pour moi, un flow presque permanent et garanti. Chaque jour, une nouveau thème apparaissait. Parfois je le sentais la veille. Ah tiens celui là, c’est pour demain. Donc je vais me libérer de ça aussi ? Et bé…
Une voix intérieure m’est venue au bout de 4/5 jours. Cette voix pouvait répondre à mes questions. Pas de façon divinatoire. Elle me parlait comme quand je suis en séance avec un client et que ça parle en moi. Sans doute mon moi profond. Sauf que là, le miracle, la voix répondait à mes question pour moi et pas pour un autre ! (j’avoue j’avais longtemps rêvé l’opération sans oser y croire…). J’avais accès à mes propres séances donc !!
La sensation physique était d’ailleurs similaire. Un échauffement dans le diaphragme, une sensation de focus et d’hyper présence… Je m’observais imaginairement (tout comme je vois les gens que j’accompagne) et à chaque question, cette voix savait ce qui se jouait, pourquoi ça faisait ça, le système en cours, la croyance qui générait le système, quelle était la bonne posture, la blessure d’origine.
J’ai ainsi passé une après-midi fébrile à multiplier les questions, en essayant de ne rien oublier des thèmes importants pour moi actuellement, craignant que la voix ne revienne pas le lendemain. Je fus bien avisée, elle ne revint pas, en tout cas pas aussi clairement.
Je pense qu’elle reviendra clairement. Je le sens. Mais ce n’est pas encore…
C’est pas qu’une histoire de diète
J’ai eu bien d’autres « contacts » avec mes profondeurs. Mais peu importe. A la fin de la diète, nous avons eu un échange avec deux autres diéteurs français qui étaient là en même temps que moi (les espagnols font leur cérémonie chamanique en mode détente le weekend, et ceux qui jeûnent en isolement social pendant 10 jours, devinez c’est qui ? Les français. Et il y a un sens ! Les français semblent tellement plus en souffrance que les espagnols… particulièrement dans le lien à l’autre. Bref).
Je les croisais chaque jour, sur les chemins de la montagne, sans dire bonjour, sans sourire… même si parfois, on craquait, et on se souriait quand même. Dans cet échange de fin de diète, Etienne, l’un des diéteurs, m’explique avoir sur les 10 jours rencontré 10 mn d’instant présent, de pure félicité. Et le reste du temps lui ai-je demandé ?
Je ne m’étais pas présentée la diète comme une voie pour expérimenter la félicité instantanément, ce commentaire m’a donc surprise sur le coup. Est-ce le but pour lui ? Quelle drôle d’idée…
- Face à ma souffrance, me répond-il.
- Oui (bien sûr !) mais qu’en as-tu fait ? As-tu pu la libérer ?
- Non, elle était là et… elle est restée là. J’y suis encore…
Je suis restée interloquée pendant quelques secondes.
Mon Dieu… tout ça pour ça…
J’ai compris alors que malgré le concept génial de diéter une plante dans un contexte qui favorise la descente en soi, si on est seul et sans aucune méthode, c’est plus ou moins… l’enfer.
C’était un peu la montée de conscience qui me titillait les neurones depuis quelques jours à vrai dire. Laisser l’humain occidental seul dans une diète, c’est le laisser avec son mental face à son gouffre intérieur. Et le mental occidental n’est pas le mental d’un indien d’amazonie (ou d’un amérindien, ou d’un africain)…
Alors oui, toutes les conditions sont là pour favoriser l’accès au gouffre. Très bien. Mais qu’est ce qu’on fait face au gouffre quand on est devant ? A t-on encore les ressources, les automatismes de guérison que notre corps et notre esprit avaient encore quand nous étions enfants ? Va t-on s’écrouler, pleurer miséricorde, laisser la colère s’exprimer, libérer l’énergie des émotions et vivre les montées de conscience subséquentes juste comme ça ?
Non. Nous avons perdu l’essentiel. La guérison naturelle ne se fait plus. Il ne suffit pas de nous mettre au bord du gouffre pour que nous y plongions. Nous avons trop peur. Nous sommes trop rigidifiés. Nous ne sommes pas/plus capable.
Et oui on peut pleurer 10 ans sans que rien ne se passe.
Et oui, on peut être face à notre souffrance pendant 20 ans de thérapie sans rien en faire.
Nous sommes face à notre propre miroir. Impuissants. Coincés.
Comment dès lors ne pas comprendre que tant de gens fuient la rencontre avec leur intérieur, puisque les expériences de mises en contact peuvent être stériles pendant des décennies. Juste de la souffrance. Ou de l’anxiété. Ce n’est pas très sexy, avouons-le.
Etienne et Thibault s’étaient, je crois, retrouver face à leur gouffre. Ils multipliaient les diètes, et ils s’en trouvaient mieux transitoirement à chaque fois. Mais que de souffrance pour si peu d’avancée… Ils ont jeuné, ils se sont isolés, ils ont marché, ils ont contemplé, ils ont parlé touts seuls (comme moi), ils ont probablement médité un peu (moins que moi). Mais ça ne suffit pas.
Nous sommes trop abîmés pour que les choses de libèrent simplement comme ça. Il y a trop de résistance en nous. Trop de peurs. De nous, de notre gouffre, de notre défaillance. C’est au delà de notre conscient. Notre corps et notre mental résistent. C’est ainsi.
Techniques et temps
Les montées de contraction que j’ai eues pendant la diète et leur dénouement énergétique ou émotionnelle, cela m’a demandé une vraie discipline. Des exercices. Des pratiques précises.
Rien de compliqué. Mais si je n’avais pas eu cette expérience chez moi avant, je ne l’aurais pas eu ici. Sans cette pratique, je serai probablement restée face au gouffre. Coincée. Et le temps aurait été bien long…
Alors, je peux en parler un peu, ici des pratiques. Mais j’imagine qu’on peut en imaginer 10 000.
Je m’étais fixée d’écrire chaque jour. Ca a été une petite révélation. Plutôt qu’attendre la conscience pour produire un texte diffusable, je me le suis fait en mode journal. J’ai adoré le vide au moment de l’écriture, et le fait qu’il vienne, toujours, finalement, quelque chose qui affleure de l’intérieur… Je vais oser dire le mot âme car sinon rien de tout cela n’est compréhensible.
L’écriture est une occasion de faire surgir notre âme. On commence par dire ce qu’on a bouffé le matin (c’est un exemple bidon puisque je jeûnais !!) puis un constat vient sur quelqu’un, ou moi, puis une émotion, puis une pensée, puis un sentiment, puis une contraction, et hop, c’est parti. L’écriture peut être un extraordinaire défouloir énergétique. Rien que le mouvement du poignet, fébrile, est déjà un outil énergétique de libération. Il libère tout autant que les mots. Je pense que l’écriture de cette façon, pratiquée régulièrement, par l’espace intérieur qu’elle crée, peut petit à petit devenir un vrai outil de libération émotionnelle et énergétique. Il demande cependant probablement une préparation de l’esprit et du corps pour sortir du mental et permettre une vraie plongée.
J’ai aussi pratiqué l’harmonisation globale, à ma sauce. Au moindre nœud ressenti (donc souvent), à la moindre contraction ou fébrilité, je formulais ma vérité intérieure. Je la psalmodiais, guidée par le ressenti de l’énergie qui s’en dégageait. Efficace. Les nœuds se déliaient. Evidemment, toutes les conditions participaient à cet effet fulgurant : le jeûne, la plante, l’isolement, le « rien à faire ». Néanmoins, je suis enthousiaste sur cette technique, même si elle demande, en autonomie, de pouvoir avoir un ressenti énergétique qui valide ce que l’on va psalmodier (sinon on peut dire n’importe quoi pendant 2 heures pour rien …).
La transe (ici pour moi, des tremblements corporels qui génèrent habituellement une libération énergétique chez la personne avec qui je parle, sans que je rentre dans un état modifié de conscience) que j’avais captée comme un outil de libération pour les autres, a été à mon service pendant 10 jours. Chaque vérité potentielle était étayée par les mouvements du corps. Quand la vérité n’était pas exacte ou approximative, le corps ne bougeait plus. Un guide assez incroyable… Je pense que l’on peut générer ces validations corporelles chez toute personne, avec un peu d’entrainement. Je le vois dans la technique de la rencontre de l’inconscient. Dès qu’une personne a une pratique énergétique (donc juste un peu d’entraînement) de type QI Gong, Taichi ou Tantra, on peut obtenir des validations corporelles presque instantanées alors que la personne n’a jamais fait ça…
Bref, me concernant, dans cette diète, une bonne partie de ma vie est ainsi passée au crible de la vérité, de la transe corporelle, et des remontées émotionnelles et énergétiques. Celles-ci venaient au fil des journées mais pas de façon prévisible. Pas forcément au moment de la méditation du matin. Pas forcément à l’heure de la sieste. La matinée pouvait être vide, puis une fulgurance le midi. Puis plus rien. Puis rebelote à 18h. Imprévisible.
Ce timing anarchique m’a fait réaliser que pour aller au fond de nous-mêmes, nous avons sacrément besoin de temps… et que ce temps ne peut être soumis à notre cadrage. Les choses sortent quand elles affleurent. Pourquoi là et pas toute à l’heure ? C’est au delà de notre compréhension.
Notre intérieur a besoin de temps. Vraiment.
La vérité a besoin d’être dite et ressentie
J’ai aussi ressenti comment la vérité était libératoire. Je le savais pourtant, obsédée de la vérité que je suis. Mais je ne l’avais jamais autant expérimenté physiquement. La souffrance n’est pas grand chose quand la vérité peut être dite. Il n’y a presque pas de souffrance quand on choisit de se libérer par la vérité. C’est comme quand quelqu’un ne veut pas nous dire quelque chose pour nous préserver. Le doute, le questionnement, l’imagination nous rendent fous et douloureux. La vérité est tellement meilleure, même si elle est difficile à entendre…
La méthode de l’harmonisation globale est une vraie découverte pour cela. Dire ce qui est à l’intérieur pour le libérer, nous amène à un changement de paradigme totale avec notre traitement de l’intérieur.
Car personnellement, mon inconscient a toujours eu la maline idée de refouler les pensées et les émotions négatives dès qu’elles pointaient leur nez en arrière plan. Je n’y avais d’ailleurs même pas accès (j’en parle dans Nos mutiles parts), ce qui ne me permettait plus de choisir si je prenais ou pas. C’était refoulé de toute façon ! Comme hélas j’étais sensible, je m’en sortais pas à si bon compte. A la place, c’était de l’anxiété que je ressentais. Carrément moins intéressant et nettement plus inconfortable, mais ça à l’époque, je l’ignorais. En étant refoulées ainsi, ces pensées et émotions négatives se renforçaient en arrière plan. Cette technique m’a inversé le système. Puisqu’il faut dire la « merde » pour la libérer, et puisque je sens clairement la libération énergétique dans cette psalmodie de la vérité, mon inconscient a compris le jeu. Il est de fait beaucoup plus magnanime avec les pensées négatives ! Tout ce qui était refoulé jusque là devient l’objet d’une exposition à chaque minute. Comme s’il se disait : ah yes, encore un truc que je vais pouvoir libérer !
Donc je découvre à présent que oui, à chaque minute, il y a des peurs, de nœuds, de la tristesse, de la frustration, de la colère, plus rarement… Mais, bon, à chaque minute, je peux m’en libérer, aussi.
Que dire d’autre… La vérité a vraiment un pouvoir magique.
La diète ne suffit pas
Mais la diète ne suffit pas. La présence à soi, la mise en abime, c’est parfait, mais sans présence, sans outils… je sais pas.
Etienne et Thibault se donnent énormément de présence à eux. Mais ils ne bénéficient d’aucune présence extérieure pour libérer ce qui a besoin d’être libéré.
J’en ai beaucoup parlé sur ce blog, mais il me paraît difficile de sortir notre intérieur (notre « merde ») sans la présence de l’autre, au début du processus.
Nous sommes des animaux grégaires. Nous nous réalisons dans l’interaction à l’autre. Et nous sommes détruits par l’interaction à l’autre. Seule l’interaction peut permettre de relancer le circuit de guérison. Seule la présence peut réinjecter suffisamment de foi, d’amour à l’intérieur pour que la résistance s’effondre. Même si c’est pendant un temps. Même si c’est 1h.
Sans cet entrainement à ma propre présence (couplé à des outils) (et ça m’a pris quand même un peu de temps), peut être aurais-je alors fait comme beaucoup de monde, à refaire éternellement les mêmes diètes, les mêmes stages de tantra, de ci, de ça, sans que ça avance vraiment. Il y a des stages comme ça où ont voit des personnes s’accrocher éternellement alors que, clairement, ça ne marche pas pour elles. Peut être sont-elles éblouies par la réussite ou l’assurance du formateur thérapeute. Ou peut-être pensent-elles que c’est leur faute et qu’elles doivent s’accrocher. Mais, quand ça buggue, je constate souvent qu’elles ont un besoin de présence non satisfait. Parce que la présence manque souvent, quelle que soit la méthode et son efficacité. Sur le papier, ça a l’air super. Les méthodes, les techniques, la notoriété. Le prix. Le lieu. Le nombre de gens participants. Mais le format collectif offre t-il assez de présence ?
Nous sommes malades de non-présence. Or elle seule peut inverser le cycle de résistance mentale. Et notre volonté n’a rien à voir là dedans. La clé est avant tout dans la présence. Avant les outils…
Prendre soin de son âme
Je n’avais pas le droit de lire pendant la diète. J’ai quand même choppé un livre sur Kindle « Prendre soin de son âme » de Myriam Beaugendre. Et, comme la vie est bien faite, alors que j’étais déjà en réflexion sur comment aurait été cette diète sans ma pratique de présence et de libération, l’auteur du livre raconte comment les diètes chamaniques en Amérique du Sud sont parfaitement adaptées aux indiens mais sans doute pas vraiment aux occidentaux. Je lis presque mot pour mot mes propres impressions : laisser un occidental en isolement, c’est l’abandonner à son mental et à sa résistance. Il a besoin de présence, d’outils d’introspection, de dialogue, de soutien. Il a besoin d’amour, d’attention, car il en a été privé dans sa vie d’occidental depuis l’enfance. Bref, on ne guérit pas un occidental, et surtout un français, comme on guérit un indien.
De retour en France, l’expérience et mes impressions m’ont donné envie de reproduire ce contexte, cette dynamique, cette plongée intérieure dans la nature. Mais avec de la présence. Et des outils.
Les journées Retour à soi ont été créées dans cette idée. Mais l’idée de diètes chamaniques en totale immersion dans la nature me trotte dans la tête depuis… Ce qui nous renvoie au lieu !