Un petit partage de réflexions suite à la conférence « l’hypersensibilité est-elle une manifestation d’humanité ou une fragilité ?« .
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Le postulat
Notre civilisation crée notre mal-être. Nul besoin de tergiverser sur cette évidence (dont j’ai déjà beaucoup parlée). Elle ne nourrit pas nos besoins essentiels d’humains et nous fait tomber « malades » de nous-mêmes, que nous soyons hypersensible, dépressif, compulsif, violeur, junkie, pervers ou en hyper contrôle.
En organisant notre société sur le « nourrissement » de nos besoins essentiels, nous pourrions probablement éviter la peur et le mal-être et rester ceux et celles que nous sommes depuis l’enfance : rayonnants, puissants, et aptes à vivre dans l’instant présent.
Mais, nous sommes adultes, déjà abîmés par notre civilisation. Nous avons donc à pourvoir sur deux plans :
- Guérir de notre mal-être
- Assurer le nourrissement de nos besoins essentiels d’humain
Le nourrissement à tout prix
Notre société est très axée sur le nourrissement des besoins nons essentiels, après lesquels nous courons toute notre vie ( niveau social, sécurité financière, stabilité, non prise de risques, refus de la maladie, savoir, conformité), mais sans en retirer, passé un temps, une pleine satisfaction.
Elle évoque évidemment quelques besoins essentiels (être en relation avec les autres, avoir du désir, jouir, se sentir serein, aimé et être aimé), mais en revanche sur ce plan, elle ne fournit pas de moyens. La demande est assez injonctive. Détends-toi, socialise-toi, jouis. Mais comment ? Ah ben ça si tu n’y arrives pas, c’est que probablement tu as un problème. Individuel évidemment. Peut-être génétique…
Nous sommes bien seuls face aux nourrissement de nos besoins essentiels. Enfant, puis adulte, nous faisons ce que nous pouvons pour y accéder, quitte à renoncer à notre identité, quitte à être lâche, qui nous raconter que ça y est, nous y sommes arrivés. Alors que notre part authentique intérieure tente de signifier que non, ce n’est pas ça. Ce travail, cette relation, cet environnement, ces dialogues, ces moments qui devraient être supers, ce n’est pas ça.
Le plus extraordinaire, c’est que nous ne conscientisons pas vraiment nos besoins essentiels. Certains sont évoqués, mais c’est comme si ils allaient de soi, comme s’ils étaient forcément nourris, avec en même temps une sorte de nonchalance sociétale par rapport à leur non-nourrissement : oui c’est agréable d’être à plusieurs, en relation avec les autres mais le plus important, c’est de ne pas tomber malade, d’avoir un toit, et un travail. Et surtout, surtout, que vous soyez en sécurité.
D’autres besoins sont refoulés, voir suspects. Notre besoin de reliance à plus grand est non-reconnu, voir même objet de suspicion sectaire (Ah la belle case qui permet tout…).
Notre besoin de nous sentir appartenir à un groupe, n’est jamais vraiment reconnu. Et pourtant nous sommes prêts pour la plupart à toutes les compromissions pour nous sentir intégrés. Car nous nous sentons faibles, surtout quand on est seul, non validé par les autres. Nous le voyons chez les adolescents. Ils sont prêts à tout pour être en groupe, et pour beaucoup, à renoncer à une grande part identitaire de qui ils sont, pour que ça marche. Le besoin d’appartenance est énorme et sous-jacent. Il nous pilote tous.
Alors si nous listons ses besoins essentiels, nous pourrions les réduire à peu près à une dizaine. J’en oublie certainement, mais c’est ceux que j’ai identifiés en l’état.
Les besoins essentiels de l’humain
- vivre des relations authentiques,
- avoir des activités qui font sens pour nous,
- pouvoir être soi sans se sentir jugé par les autres (ou s’en foutre, ce qui revient au même)
- se sentir un avec les autres,
- se sentir utile,
- se sentir appartenir à un groupe, un peuple
- partager une vibration commune avec les autres,
- se relier au sacré et à plus grand que nous,
- se sentir sécurisé par notre force intérieure et collective et non par des succédanés artificiels.
Rien de très exceptionnel, c’est même plutôt simple, mes senti vraiment nourris ?
Car à défaut que tous nos besoins puissent être nourris, nous allons devoir nous battre et nous carapacer pour que certains a minima puissent l’être, ceux qui selon notre nature et notre environnement, apparaissent prioritaires.
Mais peut-on vraiment être nourri ainsi, avec cette carapace, cette résistance intérieure ?
La carapace et la tension intérieure
Pour certains, le nourrissement semble fonctionner : famille, situation, intégration, réussite, argent, etc. Mais y a t-il vraie jouissance ?
Je croise parfois dans les restaurants du centre-ville de Rennes, à travers les vitres, les regards des gens qui travaillent et mangent ensemble le midi. Les restau sont chics, les gens semblent heureux et socialisés, assez bobos. Mais sous ce vernis de perfection, dans leurs yeux, ce que je vois, c’est une tension subtile et permanente, qui dit comme : jusque là tout va bien, ça devrait aller, non ? La lumière n’est pas celles que l’on retrouve dans les sourires et les rires rayonnants que je croise en Afrique ou chez les enfants. Quelque chose nous échappe dans l’instant présent…
J’ai vécu moi-même ces succédanés de nourrissement, où sur le papier, ça devrait fonctionner, mais en fait, quelque chose manque.
Je pense à tous ces moments entre 15 et 30 ans où j’ai essayé d’être en joie sans y arriver. A tout l’alcool que j’ai absorbé à l’époque pour me sentir vivante, et accéder à cette « jouissance » d’être soi avec les autres.
Je pense à tout l’alcool que de nombreux amis ingurgitent encore passés 50 ans, ou à leurs pétards journaliers. Je pense à cette sécurité financière après laquelle courent ma maman depuis qu’elle a 18 ans, et la plupart des membres de ma famille. Je pense à ma fille de 12 ans, prête à tout pour s’intégrer, qui n’ose plus être ce qu’elle est, et comment ses nerfs lâchent quand elle revient à la maison. Et comment il est dur d’y retourner, au collège, malgré sa popularité, parce que ça l’épuise de ne pas être elle…
On croit nourrir nos besoins, mais est-ce compatible avec le renoncement à une part exacte en soi ?
Renoncer à une part de soi pour assurer le nourrissement
Pour nous sentir intégrés ou sécurisés, nous avons été obligés d’opérer certains renoncements sur qui nous sommes (puisque la matrice civilisationnelle n’est pas adaptée à l’humain). Nous avons opérer des renoncements sur notre sensibilité, sur nos goûts, sur des aspects de notre personnalité, sur nos envies réelles, sur ce qui fait vraiment sens pour nous, sur ce qui ne nous convient pas, sur notre liberté de penser, de parler, sur notre liberté d’être.
Pour les autres, ceux qui n’arrivent pas à sacrifier une part d’eux-mêmes, qui n’arrivent pas à « acheter » une autre identité que la leur, souvent les hypersensibles, le nourrissement devient le problème numéro 1. Cette part authentique mais inadaptée, déviante les disqualifie vis à vis des autres dès l’enfance.
Ensuite, ils se disqualifient suffisamment eux-mêmes pour entraîner la courroie du manque quel que soit l’environnement : non-intégration, non-appartenance, non-abondance, non-accomplissement, non-amour, etc. C’est toute une frange de la population qui ne semble pas avoir accès à ces « nourrissements ». Et toute une frange dans la vitrine qui semble y avoir accès.
Mais y ont-ils vraiment accès ?
Je pense à ce jour où j’ai pris des champignons « magiques » avec une amie au lycée, en cours de philo (et sans doute d’autres cours mais je n’en ai pas mémoire). Hypersensible et inintégrée, je vis un voyage extraordinaire. C’est le but. Mon amie est en hyper adaptation. Elle vit un enfer, car l’invitation est au lâcher-, or elle contrôle. Comment lâcher prise quand on résiste à une part en soi ?
S’aveugler pour se sentir nourri
Nous avons besoin de penser que tout va bien dans cette relation, dans ce travail, dans cette expérience, dans cette soirée… Car sur le papier, tout est là. Et si quelque chose nous met mal ou nous laisse un goût de vide, nous décidons de ne pas regarder cette sensation. Nous tenons. Car ça devrait « aller », nous devrions a priori être satisfait. Nous choisissons en vérité inconsciemment l’aveuglement. Pourtant, une tension se lit au fond de nos yeux.
Parfois, nous ne choisissons pas l’aveuglement, mais nous ne mettons pas de conscience sur notre insatisfaction : les hypersensibles plus jeunes sortent et interagissent en soirée, puis se sentent tristes et frustrés le lendemain… Ils ne sont pas aveugles, mais ils ne comprennent pas. Ils pensent être incapables à « jouir » de la vie comme les autres. C’est juste que les autres s’aveuglent juste mieux (ou s’imbibent mieux). C’est parfois d’ailleurs tellement démonstratif…
Cet aveuglement, je le vois beaucoup dans notre tentative de nous sentir appartenir à un groupe (un besoin tellement essentiel que nous sommes capable de renoncer à beaucoup pour ça…). En se regroupant par communauté d’idées, on bénéficie d’un fort sentiment d’appartenance. Je le vois dans les milieux politiques, dans les mouvements de gauche. Mais on le retrouve aussi dans les clans d’adolescents qui se regroupent selon toute une série de codes qui excluent pour ceux qui ne les respectent pas.
Mon père a été socialiste toute sa vie. Il était engagé, militant, et fortement sectaire. Je l’aime (même s’il est décédé). Mais il contredisait en tout son discours. Il était jugeant avec qui ne pensait pas pareil que lui, il étiquetait les gens, et les mettait dans le clan des gentils ou des méchants en quelques secondes. Dans le 1er cas, on était en famille, tout le monde était solidaire et cool avec les autres, dans le 2è cas, rien, absolument rien ne pouvait réhabiliter la personne. Elle était disqualifiée (puisqu’elle votait à droite).
Son sentiment d’appartenance était nourri. Mais il était dans l’aveuglement. Il avait renoncé à une part authentique en lui, celle de l’ubuntu, l’autre c’est moi, chaque humain mérite que je le découvre. Et surtout, il avait renoncé à son besoin de sens, de vérité. A sa liberté de penser. Il pouvait entrer dans des contradictions sans nom pour ne pas contredire le dogme.
Etait-il pleinement nourri ? Oui, mais il reste toujours cette tension en arrière-plan, car notre âme sait que nous jouons l’aveuglement pour nourrir notre besoin. Nous sacrifions quelque chose de notre exactitude.
Ce ciment idéologique qui fonde ces égrégores d’appartenance est un poison (j’en garde une émotion prégnante à vrai dire, une forme de honte résiduelle). Oui, nous gagnons un sentiment d’appartenance, mais nous abandonnons tellement de nous-mêmes… et nous basculons dans une telle exclusion de l’autre, aussi.
J’ai suivi la voie de mon père pendant 28 ans. J’étais aveugle. Moins sectaire que lui. Mais dans ce confort inconscient. Et puis mon séjour en Afrique a bousculé mon statu quo. Rien n’était vrai. Toutes les cartes pouvaient être rebattues à tout moment. J’étais obligée de parler avec chaque personne avant de pouvoir l’étiqueter. Et évidemment, quand on parle avec chacun, quand on est en curiosité de l’autre, il devient impossible de le juger. Car rien de ce qui est humain ne nous est étranger.
Nous pouvons trouver 10 000 exemples montrant comment nourrir un besoin essentiel dans cette société nous oblige à abandonner une part de nous. Comment nous entretenons une relation sentimentale qui n’est pas ok pour se sentir aimé ou pour ne pas être seul, comment nous continuons à voir un psy pour se sentir écouté alors qu’au fond ça ne bouge pas (beaucoup), comment nous continuons à travailler pour assurer une sécurité financière alors que ce travail ne fait pas sens, comment nous entretenons notre réseau familial ou amical pour nous sentir appartenir, alors qu’une tristesse flotte en arrière-plan à chaque rencontre, comment nous nous sentons reliés à un groupe mais sans pouvoir penser librement.
Dans cette matrice, le renoncement à la part libre en nous est une adaptation de notre être pour assurer le nourrissement (laborieux) de quelques uns de nos besoins essentiels d’humain (sécurité, relation, amour, appartenance, connexion, intégration).
Le canada dry
Quand on va chercher le nourrissement des besoins essentiels en passant par l’adaptation, donc le renoncement à une part de soi, le nourrissement n’est pas totalement plein.
C’est comme du canada dry. Il a le goût, la couleur, mais il manque la part vibratoire. Comme un enfant et un adulte qui jouerait ensemble, l’enfant est en joie de l’instant présent, l’adulte tente de le suivre mais son cœur est moins présent, moins « dedans ». Il fait comme si. Parce qu’il a envie. Mais la vibration n’est pas la même. Parce que lui est chargé. Pas l’enfant.
Avez-vous déjà expérimenté cette envie de ressentir la joie de l’instant présent, mais de sentir qu’il vous échappe ? Nous sommes inquiets. Préoccupés. Pas complètement là. Une légère tension nous oppresse en arrière-plan.
Notre mental prend de la place. Nous sommes en résistance, de notre vibration, de notre innocence, de qui nous sommes vraiment.
Nous la dissolvons comme on peut (alcool, drogues), ou nous faisons semblant qu’il y a vibration. Ou nous renonçons à vibrer.
Car comment être vraiment là, alors que la résistance occupe notre espace intérieur ? Nous passons une soirée qui devrait être chouette, et on en part fatigué ou un peu triste, on part en vacances aux Seychelles, et finalement no s’est fait un peu ch***, on a du sexe avec une nana super sexy, et pourtant, il manque quelque chose, on va à un concert, mais on a du mal à rentrer dedans, on parle avec son conjoint, mais on se sent incompris, on déjeune avec une amie, et on est angoissé après, on va travailler, mais on a besoin de s’absorber dans la télé en rentrant (ou de boire un verre, ou de fumer un pétard). Etc.
La résistance nous enlève notre capacité de jouissance. Nous faisons semblant.
C’est un festival canada dry tout le temps. Nous postons nos images idylliques sur Instagram en espérant que les autres valideront. Et quand ce n’est pas le canada dry, nous nous morfondons de ne pas pouvoir jouir comme les autres.
ah la la.
Que veut notre âme ?
Nous tentons vainement de nourrir nos besoins, sans même les conscientiser, alors que nous sommes encore malades de nos renoncements intérieurs. Et nous le faisons de toute bonne foi, avec toute l’envie de vivre qui est la nôtre.
Et puis ensuite, nous partons en guérison, parce que notre course effrénée n’aboutit à rien. Et nous pourrions croire alors que la guérison personnelle suffit. Mais elle ne suffit pas. Nous découvrons que nous avons des besoins essentiels (car évidemment nous n’avions rien conscientisé !), et la part authentique en nous qui émerge nous signifie que ce qui semblait faire le job ne le fait pas. Ce qui était ok ne l’est plus. L’a t-il jamais été, au fond ?
Alors, que nous faut-il ?
Que demande notre âme ?
Elle demande les deux. Elle demande de la guérison intérieure pour laisser la part entière en nous être au manettes, sans résistance, pour jouir de ce qui est. Et elle demande un nourrissement réel, pas un faire-semblant validé par Facebook ou possible grâce à l’alcool. Et cette part là est extrêmement challengeante. Car tout peut sonner rapidement faux quand on est dans cette quête (voir Le festival chamanique). Les soirées, les relations, Facebook, les vidéos sur Youtube, la télé, les films américains, la famille, les amis, les autres, le développement personnel et même nos enfants peuvent sonner faux.
Et pourtant, nous avons besoin d’être nourris. Et notre guérison intérieure, en cours, nous rend ces besoins visibles, enfin ! Nous les conscientisons, nous voyons notre course effrénée depuis l’adolescence pour en nourrir certains, nous voyons nos renoncements à nos parts authentiques, et nos voyons notre aveuglement au fait que ça n’a jamais pleinement fonctionner.
Que fait-on quand on veut les nourrir mais que le monde ne nous apporte pas cette exactitude ? Quand on veut parler en pleine vulnérabilité ? Quand on veut être vraiment écouté ? Quand on veut danser dans le ressenti et pas dans la démonstration ? Quand on veut s’autoriser à être soi sans être jugé ou indisposé ? Quand on veut partager de la vibration naturelle sans faire semblant et son contrôle de l’image ? Quand on veut se sentir appartenir mais sans exclure ?
Guérir, puis nourrir
La question du nourrissement des besoins essentiels de l’humain me vient après 4 ans de travail sur l’hypersensibilité, et d’un laborieux processus de guérison personnelle. Ils m’apparaissent à présent dans toute leur évidence et leur simplicité.
Je découvre que oui, j’ai besoin de me sentir appartenir. Oui j’ai besoin de sentir mon utilité, ma place avec les autres. Oui j’ai besoin d’aimer et de me sentir aimée. Oui j’ai besoin de me sentir relier à plus grand. Oui j’ai besoin de me sentir un avec les autres, connectée en profondeur, et que oui j’ai besoin de sentir la nature autour de moi et de me sentir partie du tout.
Longtemps, je n’ai vu que les blessures intérieures à guérir. Que la conscience, qu’il fallait amener. Mais cela ne suffit pas. Nous avons un monde à créer derrière.
J’ai ce souvenir alors que je travaillais sur mes émotions dans le cadre d’un stage mission d’âme avec Nicolas Mauran. Tout le monde s’était plus ou moins positionnés sur la mission d’âme d’éveilleurs de conscience. Un bien joli programme, qui m’avait amenée à cette pensée : oui, mais après, on fait quoi, une fois que la conscience est montée ? On nourrit quoi ?
Que faisons-nous maintenant que notre conscience est ouverte et que nous découvrons des besoins si simples et si ignorés, des potentialités si extraordinaires, et que tout ça a besoin d’être nourri et de s’expandre ?
Sommes-nous pleinement satisfaits de ce que nous faisons ? De ce que nous vivons ? De nos échanges ? De nos actions ? Nous sentons-nous pleinement nourris ?
Et quand nous sommes encore dans la matrice, et que officiellement nous nous sentons nourris, avons-nous le courage de regarder si la part vibratoire y est vraiment ?
(Suite)
Ouvrir la boite de Pandore
Quand on s’est adapté
Quand il y a adaptation, la souffrance est plus cachée, plus larvée. C’est comme une sorte de vague qui vient nous titiller le cœur dès qu’un espace intérieur se crée, par exemple quand on s’immobilise. On fuit alors l’immobilité, l’inaction, le silence. On met la radio, on lit beaucoup, on regarde des séries, on travaille beaucoup, on sort, on voit beaucoup d’amis, on s’occupe le plus possible. On fait diversion.
Quand la souffrance est maitrisée ainsi, quand la diversion fonctionne plus ou moins, quand le contrôle émotionnel nous permet de rester dans notre statu quo, pourquoi ouvrir la boite de Pandore et réaliser la plongée intérieure qui risque de remettre en cause tant de choses ?
La dépression, qui était très courante avant, un peu moins maintenant, est un symptôme de cette fuite. Elle nous tombe dessus au détour de notre vie, et là aussi, nous ne savons pas de quoi elle parle précisément. Mais en vérité, elle parle de tout. L’adaptation et l’aveuglement à ce que dit notre intérieur nous emmène dans une réinitialisation forcée…
Ouvrir la boite ?
Bien sûr, nous avons la mission d’ouvrir la boite. Mais, l’ouvrir, c’est être prêt à n’importe quelle vérité sur nous. Car nous ne décidons pas de ce qui va sortir. Et si notre monde est construit de telle façon que ça fonctionne à peu près, ça veut dire que nous sommes prêt à remettre en cause nos acquis. Les acquis peuvent varier d’une personne à une autre. J’en donne quelques exemples ici, mais soyez certain que votre inconscient, mon inconscient, veille au grain et n’est pas forcément disposé à rentrer dans le lard de nos fondements à tout moment (et franchement, c’est ok).
Remettre en cause nos acquis, c’est envisager que :
- Nous soyons beaucoup plus vulnérable que nous ne le croyions.
- Nous entretenions la force de façon artificielle, comme une cuirasse.
- Nous croyons être en puissance mais nous sommes en pouvoir.
- Nous contrôlons nos émotions pour faire face à la vie.
- Nous nous soumettons à l’implicite des autres.
- Nous n’écoutons pas notre ressenti quand il contredit notre mental.
- Nous voulons sauver les autres à défaut de nous sauver nous-même.
- Nous pensons aller à peu près bien mais notre âme crie help en sous-mains, parfois par le corps.
- Nous faisons diversion en permanence pour pas nous retrouver face à nous-même.
- Ce que nous pensions nous convenir, ne nous convient pas, en tout cas pas comme ça.
- Nous avons des blessures d’enfance que nous ne soupçonnions pas.
- Nous sommes en effort… tout le temps.
- Nous nous empêchons le désir, l’envie claire, par peur de la déception.
- Nous avons renoncé à notre puissance pour mieux nous adapter.
- Nous boudons la vie, en réalité, et attendons qu’elle nous rende justice.
- Nous avons terriblement peur de la déchéance et sommes prêts à tout pour l’éviter.
- Nous sommes persuadés être victime des autres, alors que nous générons notre rapport aux autres.
- Etc.
Donc, si je peux résumer, aller quêter le nourrissement de nous besoins sans passer par la case décryptage de notre vérité intérieure nous oblige à beaucoup d’adaptations qui ferment notre cœur et nous mettent en effort. En contrôle.
Or les besoins essentiels de l’humain nécessitent un cœur ouvert pour être nourris.
Si notre cœur n’est pas pleinement ouvert, c’est cette étape, d’abord, que nous devons aller quérir. Et je dirais que sauf exception, pour un occidental, c’est cette étape qui est à mener avant tout.
Mon corps, mes émotions chipotent quand même …
Bien sûr, on peut être ok avec ce que l’on vit et décider de ne pas aller regarder. Et c’est bien normal. Car nous avons peur de sortir du statu quo. La question est : qu’est ce qui nous pousse ?
Y a t-il un désagrément tellement fort dans notre vie actuellement que aller regarder l’intérieur en risquant de remettre en cause notre statu quo serait moins douloureux ?
J’ai une amie, anciennement cliente, qui a réalisé quelques séances avec moi il y a deux ans. Une, puis une autre 4 mois après, puis une autre 3 mois après… Elle avait de telles montées d’angoisse qu’elle a fini à l’hôpital plusieurs fois, croyant avoir un infarctus. Malgré ce problème quand même lancinant, toujours d’actualité, elle ne peut jusqu’à présent décider d’aller quérir l’intérieur. Car son statu quo est trop ok. La vie est ok. Par ailleurs.
Vous voyez ?
Cette exigence intérieure peut nous gaver. Nous sommes bien ainsi, pourquoi mon corps, mes émotions viennent chipoter ? Que veulent-elles encore ?!
Une solution pratique pour ne plus résister à cet appel intérieur est le dépouillement. Enlever toute attache (matérielle, relationnelle) est une bonne façon d’être disponible à tout ce que nous dit notre intérieur. Ca ne veut pas dire que ça n’existe plus. Ca veut dire que tout peut s’arrêter à tout moment et que nous l’acceptons par avance. Mais le dépouillement, souvent, nous ne le choisissons pas. La vie nous l’apporte. Et ce qui était une calamité jusque là devient une liberté extraordinaire. Car nous ne dépendons de rien. Nous n’avons plus rien à préserver. C’est pourquoi le processus est si extraordinairement intense et rapide pour les hypersensibles inadaptés. Il est explosif à la mesure du non-nourrissement de leur vie.
Le cas de l’hypersensible
Quand nous n’avons pas réussi vraiment à nous adapter, quand notre âme à l’intérieur s’est mise en rébellion et sabote tous nos efforts de relation, de connexion, d’intégration, parce que la défiance à l’autre est de mise, nous avons un rapport à nous-même et à l’autre profondément abîmé. Envers nous-même : auto-dévalorisant, jugeant, parlant d’insuffisance et de malédiction, et très sensible à l’autre, en défiance, angoissée, blessée.
La vérité alors sera de comprendre ce qui se passe vraiment entre nous et le monde qui nous entoure, pour mettre du sens et inverser la perspective. Plonger dans notre microcosme passé et présent : papa, maman, mon boulot, ma meilleure amie, etc. Et voir en quoi ça m’impacte, sur quel point sensible ça m’appuie, qu’est ce que je ne supporte pas, quelles sont mes limites, et quelle est cette part en moi qui me demande instamment de m’adapter à tout prix ?
Car la vérité là : une part en moi me demande de m’adapter, d’accepter ce qui n’est pas ok pour moi. Ce qui m’empêche de prendre conscience de tout ce qui est insupportable à mon âme. Et c’est là où toute l’exigence de notre âme nous apparaît. Ca peut être extrême et déstabilisant. Car elle est sans concession. Mais c’est aussi passionnant car nous n’avons aucune idée de qui nous sommes, au fond. Et nous le découvrons ainsi.