Dans l’article sur les hypersensibles doux, je vous disais qu’il existe selon moi deux grands stéréotypes d’hypersensibles. L’hypersensible doux, pour se protéger de la menace extérieure, s’efface. L’hypersensible dur lui ne s’efface pas, et même quand il croit s’effacer, on le voit toujours (et accessoirement il morfle). C’est de celui-ci dont je vais vous parler.
Rappel : l’hypersensible doux et l’hypersensible dur sont deux stéréotypes. Vous vous retrouverez sans doute dans l’un principalement, mais dans l’autre également, de façon plus dispersée. C’est normal puisque les deux profils reposent sur le même fondement : une forte sensibilité qui les connecte à leurs aspirations plus fortement mais les fait frotter avec le monde dans la même douleur. L’intérêt est que vous puissiez vous reconnaître comme hypersensible et décider si vous voulez en savoir plus, ou non :-).
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En quelques mots
En se s’effaçant pas pleinement comme l’hypersensible doux, en maintenant apparente sa nature, l’hypersensible dur frotte contre le monde extérieur, parfois violemment. Il sent une puissance en lui mais cette puissance n’a pas été (suffisamment) reconnue. L’injustice le plonge dans une souffrance sans nom. Il est souvent isolé, parfois rejeté.
L’hypersensible dur se préoccupe beaucoup de la vérité en toute chose. Il croit que tout le monde a la même quête. Le monde lui paraît donc incohérent. Il se demande s’il est fou et en conclut généralement qu’il est grave atteint. Tout en se sentant génial (à raison), ce qui ne l’aide pas sur le plan de la cohérence intérieure.
D’un point de vue relationnel, le frottement avec le monde le rend réactif et peut rendre sa fréquentation compliquée. Il est à fleur de peau. La puissance qu’il sent en lui et sa non-reconnaissance le rendent intense, frustré, blessé, souvent amer. Le rejet, l’isolement qu’il a pu vivre jeune l’ont mis en manque de ce qui le nourrit, l’interaction avec l’autre. Il est à cran. Il peut être en même temps charismatique et génial, dans ses moments up, et l’hypersensible doux l’admire d’ailleurs pour ça, et complètement à plat et angoissé, le reste du temps.
Quand l’hypersensible met du sens sur le frottement, quand il commence à comprendre ce qui s’est passé, les symptômes du frottement disparaissent petit à petit, et apparaît alors celui qu’il a toujours été, un magicien.
Ce qu’il a compris du monde et comment il s’en protège
Le HS dur aspire comme le doux à la bienveillance et la connexion entre les gens. Mais sa quête absolue, c’est la vérité.
Petit, ce qu’il a compris du monde et de sa menace a été : “Ce monde est menaçant mais surtout il est incohérent. Je veux être intégré mais je ne ferai pas semblant pour ça. Je veux la vérité car je la sens et je sais que j’ai raison (quelque part) ». Cela le mène à une quête permanente de vérité et une forte sensibilité à l’injustice.
Manque de pot pour lui, il croit que les autres ont la même quête car c’est ce qui est dit. Ce n’est pas le cas, les règles du jeu sont pipées. Il souffre donc toute sa vie (une partie) en croyant que les règles sont claires et qu’il perd. Ce sera donc à lui de découvrir le pot aux roses, tout seul. Mais le découvrir, passé 40 ans, c’est découvrir aussi qu’on a joué 40 ans avec des dés pipés. C’est un mauvais moment à passer. Mais ce n’est qu’un court moment…
Deux grandes souffrances pour l’HS dur : l’isolement et la non-reconnaissance.
La dés-intégration
Lui qui est plein de vie et qui aspire à se connecter aux autres, à les impacter, à faire avec les autres, se retrouve à vivre une bonne partie de son adolescence, parfois son enfance, et souvent une partie de sa vie adulte (jusqu’à la crise et la re-construction) isolé ou avec très peu d’interactions. C’est une souffrance sans nom. Il ne comprend pas pourquoi. Il suppose qu’il a un gros, gros problème. Je ne reviendrai pas sur le pourquoi ici, ça fera partie des textes suivants (et il y a matière).
Globalement, on peut juste dire qu’il ne joue pas le même jeu que les autres. Il ne sait pas se conformer ou plutôt il a choisi, inconsciemment, de ne pas se conformer.
S’il a compris que ses règles ne sont pas celles des autres, il garde confiance en lui et se met en observation sur les autres, pour les voir jouer selon leurs règles. Souvent il choisit alors d’y jouer. Il se sent seul mais il sait que le problème vient de l’extérieur. Il ressent alors un certain mépris pour le système, ce qui est toujours mieux que se mépriser soi-même. Il réussit, il est intégré, il est génial, mais son adaptation lui coûte malgré tout au fond, surtout s’il est dépendant de son environnement. Ce profil est celui assez étrange de l’hypersensible dur « adapté mais lucide » que je n’aborderai pas ici mais dans un autre article. C’est le profil de Didier Raoul, Kersauson ou Albert Einstein. Il ne vient généralement pas chercher un coaching, la souffrance est limitée.
Question intégration, on constate des variations selon le lieu de naissance et la génération. Ceux qui ont vécu à la campagne s’en sortent mieux qu’en ville. Ceux qui ont grandi en Afrique s’en sortent (beaucoup) mieux que ceux grandis en France (d’ailleurs ils ne se font pas repérés, ce qui veut tout dire). Ceux nés dans les années 30, 40, 50 et jusqu’aux années 70 s’en sortent plutôt mieux que ceux qui sont nés après.
En revanche la blessure de la non-reconnaissance semble être la même. Elle varie ensuite surtout en fonction du frottement. Plus le frottement est violent, plus la réaction est à vif, l’amertume et la « presque-folie » poussés à bout, et moins l’HS dur pourra « entrer dans la structure » et avoir les attitudes de confiance en lui qui lui permettront de récupérer quelques graines de reconnaissance.
La non-reconnaissance – La plaie ouverte
L’autre souffrance : la non-reconnaissance. Jeune ou adulte, sa vie est une succession de ressentis, de lumières, d’intuitions, d’idées, de créations, de visions, puissants et vrais. Il sait avant les autres, il voit ce que les autres ne voient pas, il ressent ce que les autres ne semblent pas ressentir. Ca a l’air plutôt sympa sur le papier, mais le problème, c’est qu’on ne lui en donne crédit. Et c’est logique : le monde n’a pas envie de lui donner crédit. D’une part parce que le monde privilégie la sécurité avant tout. Or ses vérités sont souvent dérangeantes. D’autre part parce qu’il contredit par sa nature les règles du monde. Il dérange l’ordre.
Le HS dur est donc tiraillé. D’un côté il constate la force de son jugement, de ses visions, de son intuition. Il ne peut pas faire semblant de ne pas la voir. Elle est là, elle se déploie chaque jour. Mais d’un autre côté, c’est comme si cette force n’existait pas, faisait pschitt en permanence. Pis, quand il l’émet, quand il l’utilise, il commence à avoir problèmes. Il se fait des inimitiés. Il agace. Il devient la cible de critiques, souvent incohérentes. Être contesté par des arguments qui ne devraient pas tenir… mais qui, de façon surprenante, sont retenus. Là encore, selon la confiance qu’il s’accorde, il s’échine indéfiniment et se désespère, ou il laisse le jeu se dérouler sans lui et il s’esquive. Dans ce dernier cas, il a déjà compris ce qui se joue. Dans le 1er cas, il ne comprend pas et il s’acharne. Et est détruit par la matrice sécuritaire.
Dans cet acharnement, le carburant est ce tiraillement permanent entre son sentiment de puissance et de vérité, et le doute d’être fou, névrosé, handicapé. Son acharnement s’explique : il espère toujours que ça fera sens à un moment ou un autre, que les réactions seront, enfin, cohérentes. Donc il attend, il argumente. Il explique. Il se bat. Il se lamente. Et ainsi de suite. Jusqu’à ce qu’il capte les « vraies » règles. En tout cas celles des gens dont il attend indéfiniment la reconnaissance.
Il sent ses émotions mais les juge
Le HS dur est fortement connecté à ses émotions qu’il juge, parfois qu’il déteste (dans ses moments les plus sombres) et auxquelles il essaye de résister. C’est de bonne guerre, le frottement rend ces émotions intenses : la peur, l’amertume, la tristesse. Et en y résistant, il les rend incontrôlables et envahissantes. La résistance aux émotions le tue de l’intérieur (lui comme d’autres).
Parfois, il bascule dans la fermeture du cœur. Comme il ne fait jamais tout à moitié, il se ferme totalement aux émotions. Il devient manipulateur et potentiellement très toxique. Mais il n’est pas en train de lire cet article.
Certains, beaucoup chez les jeunes, font des séjours en HP et sont sous médicaments pour “étouffer” leur sensibilité et les symptômes de leur résistance (profondes angoisses, mal-être, TOC, etc.). L’hypersensible dur peut être sujet à des attaques de panique, en réponse à ses tentatives de contrôle des émotions.
Longtemps, le HS dur pense que ses émotions l’empêchent de s’intégrer, d’être conforme. Pourtant il ne veut pas l’être, conforme. Il sent bien la vérité en lui. Mais il souffre de sa solitude. Il veut être avec les autres. Il se pense prêt à tout pour ça, y compris se conformer, mais ce n’est que le point de vue de son conscient. Son inconscient lui dit non et en fait… c’est non. Il ne peut pas faire semblant. Ou quand il le fait, ça ne marche pas.
Ce cœur ouvert le met en contact avec sa créativité, son intuition, ses visions et ses ressentis. Mais ce cœur ouvert le fait souffrir tant qu’il n’a pas compris que ses règles, valeur et vérité, ne sont pas la règle jouée : la sécurité. Quand il accepte de voir que les dés sont pipés depuis toujours et que le monde joue à un autre jeu que celui annoncé, il peut alors arrêter de se regarder le nombril (parfait au demeurant) et commencer à regarder autour de lui. Il peut accepter le frottement passé, accueillir les émotions en lien avec ces blessures et enfin donner plein crédit à ce qui se passe en lui.
Ses caractéristiques
En vrac, quel que soit le degré du frottement, donc variable selon les personnes. L’ensemble des signes de frottement peuvent disparaître avec un travail sur soi.
Enfants
- Sensation d’être différent des autres à l’arrivée en 6e, parfois plus tôt (et là c’est dur)
- Trouve les autres enfants pas gentils entre eux, parfois pas gentils avec les professeurs.
- N’arrive pas à jouer un rôle, ne peut s’empêcher de rester lui-même, ce qui craint à partir du collège.
- N’arrive pas à s’adapter à l’identité d’un clan en abandonnant la sienne. N’arrive pas à faire allégeance au chef de clan. Même si il le veut, n’y arrive pas.
- Se retrouve facilement isolé, très seul ou avec très peu d’amis.
- Se surprend à être soudainement très à l’aise avec quelqu’un alors qu’il est mal à l’aise avec tous les autres (ce quelqu’un a le même profil mais il l’ignore).
- Peut être plus à l’aise avec des adultes, beaucoup plus qu’avec des enfants de son âge
- Pour les garçons peut être provocateur et “emmerder” ses profs.
- À besoin de comprendre pourquoi, on lui dit souvent qu’il pose trop de questions.
- A des problèmes avec les consignes qu’il ne comprend pas (elles sont incohérentes, mais comme tout le monde a l’air de trouver ça normal….). Demande souvent des précisions sur les consignes, ce qui a l’art d’énerver ses professeurs.
- Juge ses profs sur le fond, peut dire que tel prof n’est pas bon ou tel autre génial, en expliquant pourquoi, ce que ne font pas les autres (ils diront juste que le prof est con parce qu’il donne trop de devoirs par exemple)
- Ne cherche pas à faire ce qu’il convient de faire mais ce qu’il pense être bon de faire. Donc ne suit pas les conventions, même s’il le voudrait. En subit toutes les conséquences de rejet d’isolement et de décalage (sauf s’il assume, donc s’il a compris ce qui se joue, ce qui nécessite des parents qui lui confirme ce qu’il a compris, or ceux-ci sont encore en prise)
- Plus ses parents sont dans la norme et le conformisme, plus il souffre de l’incohérence de l’ensemble
- S’ennuie facilement à l’école sauf quand il investit un professeur émotionnellement.
- Insomnies
- Aime la stimulation intellectuelle, s’éclate en mode projet, ce qui ne lui ai jamais proposé au collège ou au lycée.
- Et interpellé et attiré par des enfants comme lui, différents, mais il ne sait pas pourquoi. Pour l’extérieur c’est l’équipe des bizarres ou des boloss, y compris souvent pour ceux qui sont dedans !
- Nouvelles générations : addict aux jeux vidéos
- Il énerve les autres, surtout quand il ne s’efface pas. On le trouve bizarre ou tête à claques. Bref, il agace.
Adultes
Selon les personnes et sans avoir travaillé sur soi
- Aime partager profond sinon s’ennuie… grave.
- Se demande ce que pense les autres dans leur tête
- Ressent un attrait particulier pour la spiritualité, la vie après la mort, les expériences de mort imminente et le chamanisme.
- Peut ressentir un attrait aussi pour la métaphysique, la physique quantique, l’origine du monde.
- Se sent angoissé par les nouvelles de la planète. Sélectionne ses sources pour ne pas ajouter à son anxiété. Parfois ferme le robinet.
- Aspire à activité de re-centrage vers la quarantaine : yoga, running, QI Qong
- Ne peut se contenter de faire, doit être dans ce qu’il est sinon se sent mal. Procrastine.
- Se passionne pour beaucoup de sujets et change
- Intérêt pour les problèmes moraux, philosophiques, métaphysiques, politiques
- Tenté par les expériences « limites », sensibilité aux addictions, à l’alcool
- Peut ressentir un intérêt allant jusqu’à l’obsession pour un sujet particulier, puis en changer subitement
- S’il suit les conventions sociales (études, maison revenus, carrière, etc), finit par une dépression, un burn-out ou une maladie.
- Se sent incompris : au travail, dans sa famille, dans sa vie perso.
Et quand le frottement augmente
- A le sentiment de vivre un échec permanent où qu’il aille
- A une profond sentiment de non-sens, d’incohérence globale qui le rend anxieux
- Ne se sent pas reconnu, en ressent une grande amertume (dont parfois il n’a pas conscience)
- Incapacité à rester salarié longtemps ou quand salarié, c’est dans la douleur
- Peut être victime de harcèlement moral, devient facilement une cible
- Dépression ou addictions probables, surtout jeune. L’alcool jusqu’à tard.
- Peut être diagnostiqué bipolaire, asperger, schizophrène
- Insomnies
- Jeunes générations : perte totale de sens et de motivation, vision négative de la société et du monde à partir de la vingtaine (si ce n’est avant).
- Jeunes générations : peut passer un bout de temps en hôpital psychiatrique ou isolé chez ses parents, enfermé dans sa chambre.
Ses enjeux
- Il a besoin de comprendre, comme tous les hypersensibles, pourquoi il a vécu toutes ces situations malmenantes.
- Il a besoin de comprendre que tout le monde ne joue pas avec les mêmes règles, même si c’est ce qu’il paraît.
- Il a besoin de prendre confiance dans ses ressentis
- Son frein principal : quand il est désespéré et qu’il se rend, il n’a pas de freins, il démarre au quart de tour. Quand il n’est pas complètement désespéré, il résiste au fait qu’il ait pu avoir raison depuis le début. C’est de bonne guerre. Ce n’est qu’une question de temps….